« C’est intolérable » : Frédéric Remy, directeur du festival de théâtre de rue d’Aurillac, condamne les violences
Le calme est revenu dans les rues d’Aurillac, deux jours après les violents affrontements entre un groupe d’émeutiers et les forces de l’ordre en marge du festival international de théâtre de rue. « Les spectacles ont repris de plus belle, assure auprès du Figaro Frédéric Remy, directeur de l’événement depuis 2019. Aucune représentation n’a été perturbée. Tout se passe comme prévu. » Mercredi soir, aux alentours de 23 h 30, des centaines d’individus s’en sont pris aux CRS présents dans le centre-ville de la commune du Cantal. Ces derniers venaient d’interpeller un jeune homme ayant tagué la devanture d’une banque. Jets de projectiles, feux de poubelles, dégradations d’abribus ou de commerces... Ce rendez-vous culturel se voulant « tolérant » et « humain », selon les mots de son directeur, a tourné au fiasco.
« Notre festival ne prône pas du tout ce type de comportement, bien au contraire, regrette-t-il ce vendredi depuis son bureau. C’est intolérable, vraiment exceptionnel et extrêmement violent. Nous ne sommes ni la cause, ni l’acteur, mais une victime et nous condamnons bien évidemment ces actes. » Consterné, Frédéric Remy ne « minimise pas ce qu’il s’est passé » et apporte son soutien « aux commerçants qui ont subi des dégradations », ainsi qu’aux habitants sur place au moment des faits. Pour lui, le « festival n’était pas visé ».
Passer la publicitéUn de nos principes fondamentaux est la liberté d’expression artistique
Frédéric Remy, directeur du festival international de théâtre de rue d’Aurillac
Avant d’ajouter : « Les forces de l’ordre ont géré cette situation pour ne pas que ça dégénère plus. Hier, les services de la ville ont remis les choses en état en seulement quelques heures. » Le directeur de l’événement assure également n’avoir jamais pensé à revoir la programmation de son festival : « Un de nos principes fondamentaux est la liberté d’expression artistique. Les artistes ne provoquent pas les violences. Ils sont là pour rassembler les gens, les faire rire, rêver, réfléchir. Ils ne sont pas responsables de ce qu’il s’est passé. » Au total, ils sont plus de 3000 à se produire tout au long de ces quatre jours de festivités, organisées jusqu’à samedi soir.
Accent sur le Brésil
Ils viennent parfois des quatre coins du monde. Depuis deux ans, le festival de théâtre de rue d’Aurillac accueille des artistes internationaux. L’an passé, les quelque 140 000 spectateurs ont pu découvrir des compagnies coréennes. Et cette année, le festival a mis l’accent sur le Brésil avec la programmation des spectacles Mistura, Bola de Fogo, ou encore Quando Quebra Queima. « Ils nous montrent ce qu’est la création dans l’espace public dans chaque pays, remarque Frédéric Remy. Quand nous faisons un focus, nous n’accueillons pas qu’une ou deux compagnies, mais sept dans la sélection officielle pour avoir une vraie présence. »
Depuis mercredi, première journée du festival, pas moins de 750 représentations ont lieu quotidiennement. Des compagnies historiques comme émergentes se passent le relais. En plus des 19 troupes présentées dans la sélection officielle, l’événement voit passer quelque 640 compagnies supplémentaires dans les rues d’Aurillac et ses alentours. « Certains spectacles rassemblent 2000 à 3000 spectateurs, se réjouit Frédéric Remy. Généralement, les artistes se produisent devant 300 personnes en intérieur. Ce sont des jauges impressionnantes. » Le directeur du festival assure que de nombreux artistes n’hésitent pas à faire le pas entre les salles de théâtre et les scènes urbaines : « Ils ont une grande appétence pour venir à l’extérieur. C’est plus naturel pour eux d’aller dans l’espace public. »
« Ce ne sont plus les jongleurs et cracheurs de feu de l’époque »
Frédéric Remy accorde une importance à ce qu’une différence soit faite entre les spectacles de rue professionnels présentés dans le festival et ceux joués dans les rues des grandes villes d’Europe et du monde. « Il y a des compagnies qui travaillent avec des scénographies très importantes et qui se produisent dans le monde entier », poursuit-il. Depuis le lancement du mouvement au milieu des années 1980, elles opèrent un « renouvellement générationnel et esthétique ».
Contrairement à la scène d’un théâtre, les artistes de rue peuvent exploiter un espace plus large et diversifié. « Ils utilisent le contexte qui les entoure, décrit le passionné. Ils se servent de l’architecture comme un appui dramaturgique. Ils vont voir l’habitant d’un appartement pour pouvoir utiliser sa fenêtre par exemple. » Cette année encore, la programmation du festival laisse libre cours à l’expression d’artistes en vogue. Le metteur en scène suisse Milo Rau, lauréat du XVe Prix Europe Réalités Théâtrales en 2018, présente, par exemple, son spectacle La Lettre. « C’est l’un des plus grands metteurs en scène en Europe à l’heure actuelle, explique Frédéric Remy. Son spectacle est présenté dans un champ avec une vision de l’espace complètement vierge. »
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Passer la publicitéAvec le festival, le directeur entend « mettre en avant la culture pour tous ». Selon les chiffres de l’office de tourisme d’Aurillac, la moitié des festivaliers sont originaires du Cantal. « Le public est jeune, familial, du territoire, c’est un formidable outil de démocratisation culturel », confie-t-il, estimant que ce serait « une injustice totale » que l’image du festival soit ternie par les actes de violences de mercredi soir. L’essentiel pour lui est que, depuis hier, personne « ne parle de ce qu’il s’est passé » et que « tout le monde s’intéresse aux spectacles ».