« Ce pays a perdu toute rationalité » : deux ans après le 7 octobre, la société israélienne en plein doute

Tel-Aviv, Haïfa, Nazareth (Israël), envoyée spéciale.

Le temps s’apprête à s’arrêter. Bientôt, les commerces baisseront le rideau, les voitures seront interdites de circulation, les télévisions cesseront d’émettre et les enfants envahiront les voies rapides avec leur tricycle. Pour la deuxième année consécutive, ces 1er et 2 octobre, Israël a passé Yom Kippour (le jour du grand pardon) en état de guerre.

La fête est un miroir des fractures de la société israélienne. Les plus laïcs se réfugient dans les villes arabes qui continuent de fonctionner ou vont camper au mont Carmel. Les autres quittent leur ville pour rejoindre leur famille et jeûner vingt-cinq heures durant. Des mineurs, en habits traditionnels, font le chemin seuls avant d’être récupérés à l’arrivée par un parent.

Scène ordinaire dans un Israël gagné par la militarisation : un chauffeur de bus s’excuse. Il vient de prier un jeune homme, en civil et M16 en bandoulière, de se tenir tranquille. « Ce pays a perdu toute rationalité », souffle la députée communiste Aida Touma-Suleiman.

Quelques jours après le massacre perpétré par le Hamas, le 7 octobre 2023, le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, assume la constitution de milices. Il distribue des fusils d’assaut dans les zones proches de la bande de Gaza, aux colons de Cisjordanie et dans les villes israéliennes où cohabitent juifs et Arabes.

Les pacifistes prêchent dans le désert

Les armes ne se sont pas tues pour Yom Kippour. Les pacifistes non plus. Des centaines d’entre eux se sont réunis place Habima, en plein cœur de Tel-Aviv, à l’appel du Réseau de solidarité de la Résistance (association de personnes qui refusent de servir l’armée d’occupation). Ils y ont brandi des photos d’enfants tués à Gaza.

En ce jour dédié à la réflexion et au jugement divin, le maître de conférences au département d’histoire juive de l’université de Haïfa, Moshe Lavi, harangue la foule avec son mégaphone : « Il n’y a...