Qu’est-ce que ce "congé payé climatique" dont l'Espagne vient de se doter ?

Un mois jour pour jour après les inondations meurtrières dans le sud-est du pays, l'Espagne s'est doté d'un "congé payé climatique". Le gouvernement Sanchez a approuvé la mesure jeudi 28 novembre : ce congé de quatre jours – extensible jusqu'à ce que les circonstances qui l'ont motivé disparaissent – vise à éviter les déplacements en cas d'alerte liée à un risque météorologique, sans que le travailleur ne perde son salaire ou ses cotisations.

Le dispositif adopté en Conseil des ministres dans le cadre d'un paquet de mesures sur la prévention des risques, vise à "adapter le droit du travail" espagnol au contexte "d'urgence climatique", a expliqué sur la télévision publique RTVE la ministre du Travail, Yolanda Diaz.

Après les inondations – qui ont fait 230 morts, le 29 octobre dernier – plusieurs entreprises ont fait l'objet de critiques pour avoir demandé à leurs salariés de rester au travail malgré une alerte rouge émise par l'Agence météorologique nationale (Aemet).

Ces entreprises ont quant à elles mis en cause les autorités, les accusant de ne pas les avoir suffisamment informées et de n'avoir envoyé des alertes sur les téléphones portables de la population qu'en début de soirée, soit plusieurs heures après l'avis de l'Aemet.

Désormais, les travailleurs et entreprises seront davantage protégés. Mais comment fonctionnent ces "permisos climaticos" ?

"Aucun travailleur ne doit prendre de risques"

"En ces temps où la droite nie l'urgence climatique, c'est la preuve qu'elle existe", a introduit Yolanda Díaz, figure du parti de gauche radicale Sumar. "Ce que nous faisons pour la première fois dans la législation espagnole, c'est réglementer en fonction de l'urgence climatique avec une série de règles qui resteront dans notre système juridique."

Aussi, les travailleurs bénéficieront désormais d'un congé de quatre jours, payé par l'État, en cas d'alerte émise par les autorités, qu'il s'agisse "d'une mairie, d'une région ou du gouvernement central", a précisé la ministre.

Désormais, "à partir du moment où une autorité, quelle qu'elle soit, indiquera qu'il y a risque dans les déplacements, les salariés devront s'abstenir d'aller travailler", a détaillé Yolanda Diaz, pour qui "aucun travailleur ne doit prendre de risques".

Les travailleurs seront protégés par la loi si jamais les entreprises décident de leur refuser ces congés.

La ministre n'a pas apporté à ce stade plus de détails sur le type d'alerte concerné par ce dispositif, ni sur les éventuelles conditions à remplir, du côté des salariés, pour pouvoir en bénéficier. Cependant, elle a précisé que les entreprises seraient protégées par la possibilité de demander un "ERTE" (dispositif de chômage partiel) pour cause de force majeure si les absences s'étendent sur plus de quatre jours – "avec coresponsabilité publique", ce qui signifie que l'absence du travail est assumée par le Trésor et non par l'entreprise.

À ces "permis climatiques" s'ajoute un "nouveau droit vert" qui permet aux syndicats de convenir de la cessation de l'activité pour éviter des risques pour le personnel.

Un type de congé déjà évoqué ailleurs

Le congé climatique est, de l'aveu même de la ministre espagnole du Travail, inspiré de discussions similaires au Canada, où cette mesure permettant aux employés de rester chez eux avec rémunération lorsque les conditions météorologiques extrêmes rendent les déplacements dangereux ou impossibles, est de plus en plus évoquée (tout comme des congés canicule à l'école).

Ce type de congé s'inscrit dans une réponse accrue aux impacts du changement climatique, qui entraîne des événements météorologiques de plus en plus fréquents et intenses.

À lire aussiChangement climatique, urbanisation... Le risque d'inondations pèse aussi sur la France

"Les perturbations climatiques à venir exigeront de la souplesse et de la flexibilité dans notre manière de planifier la vie quotidienne", écrivait en décembre 2022 dans une publication scientifique canadienne, Guillaume Tremblay-Boily, sociologue des mouvements sociaux. "C’est pourquoi il serait intéressant d’instaurer des congés climatiques dans les conventions collectives et dans les normes du travail."

Selon les spécialistes, "le coût de ce type d'événement pourrait doubler d'ici 2050", a rappelé le ministre espagnol de l'Économie Carlos Cuerpo à l'issue du Conseil des ministres, jeudi, durant lequel un nouveau paquet d'aides de 2,3 milliards d'euros a été adopté pour les sinistrés.

Dans ce contexte, "nous devons continuer à progresser en termes de mobilisation, de financement et d'investissement pour nous adapter et être plus résilients face à ce type d'événements" et "en minimiser l'impact".

Avec AFP