Guerre en Ukraine : les drones filoguidés, dernière nouveauté russe pour contrer l’armée ukrainienne à Koursk

Au printemps, l’Ukraine en avait découvert un prototype sur le champ de bataille. En apparence, c’était un simple drone FPV (First Person View) avec une charge explosive : ces petits drones équipés d’une caméra, pilotés en immersion à distance, et qui parsèment la ligne de front. Mais à la place l’émetteur et récepteur radio, un mystérieux boîtier était fixé, contenant une bobine de fil de plusieurs kilomètres. 

Depuis le début de l’offensive ukrainienne en août dans la région de Koursk, la Russie a affirmé pour la première fois avoir utilisé ce genre de drone sur le champ de bataille. «L’ennemi sera vaincu», a ainsi déclaré le gouverneur russe de l’oblast de Novgorod Andrei Nikitin sur Telegram, assurant que l’armée russe avait déployé un engin baptisé «Knèze Vandal», du nom d’un prince de Novgorod, et équipé d’une «technologie révolutionnaire de communication et de contrôle».

Rudimentaire à certains égards, le principe du drone «filoguidé» est en réalité très simple. Au lieu d’être radio commandé, ce qui rend les appareils vulnérables aux systèmes de brouillage électronique dont les blindés ukrainiens sont équipés, le drone est dirigé par un fil de fibre optique ultraléger, déployé sur toute sa trajectoire de vol. Sans émettre aucun signal radio, le drone - ainsi que son opérateur - est donc indétectable et ne peut être dévié de sa cible.

C’est un avantage indéniable sur le terrain, surtout dans cette guerre russo-ukrainienne où les deux camps s’équipent toujours davantage de nouveaux moyens de défense électromagnétique pour déjouer le ciblage des missiles et des drones de l’adversaire, que ce soit avec des canons, des fusils qui envoient un faisceau étroit d’ondes radio ou des brouilleurs antidrones classiques. Le chef d’état-major français de l’armée de terre, le général Pierre Schill, déclarait ainsi en juillet dernier que 75% des drones en Ukraine ont été abattus par des systèmes électroniques, c’est-à-dire en cassant le lien entre l’engin et l’opérateur.

Moins rapide

La fibre optique permet aussi de transmettre au pilote des images d’excellente qualité, le signal étant renvoyé intact, sans obstacle ni interférence. Ainsi, quand le drone plonge à basse altitude sur sa cible, l’opérateur garde un contact visuel jusqu’au dernier moment.

Ce type de drone connaît néanmoins des inconvénients. Il nécessite plus de puissance pour tirer le fil qui, malgré sa légèreté, est une contrainte évidente sur une si grande distance. Surtout, le drone est moins rapide et moins maniable, le pilote devant prendre des précautions pour ne pas que le fil se casse, alors que la force du drone FPV classique est justement d’être rapide et manœuvrable pour empêcher l’adversaire d’anticiper sa trajectoire et ses mouvements.

Le drone filoguidé n’est donc pas forcément la solution idéale, mais il donne un avantage indéniable dans la guerre électronique. Le principe pourrait par ailleurs être perfectionné. Selon le média américain Forbes, l’entreprise allemande Highcat a développé un drone filoguidé similaire, capable quant à lui de parcourir jusqu'à 20 kilomètres. «La fibre est assez solide – voler au-dessus des arbres et de l'eau ne pose aucun problème», a expliqué le fondateur Jan Hartmann ajoutant que la force exercée sur l'engin ne dépassait pas 250 grammes. «Le drone peut également voler en rond et même en marche arrière.»

Drone français

Plus ambitieux encore, le drone Chimera, fabriqué par un entrepreneur français, peut emporter, selon son concepteur, un obus de 155mm (comme les canons Caesar) avec un fil de 50 kilomètres de long. «Il n'y a plus besoin de radiofréquence. Le Chimera est invisible ! Les systèmes de brouillage les plus sophistiqués, ceux des Russes notamment, ne peuvent rien», expliquait en juin son concepteur au Parisien. Selon lui, le drone de 78 kg peut voler jusqu’à 400 mètres d’altitude avec un obus de plus de 40 kg.

Si le principe est développé plus que jamais à la faveur de la guerre en Ukraine, il n’est pas nouveau cependant. L’armée américaine a développé dans les années 1970 les missiles antichars TOW, contrôlés par un fil de cuivre. Pour contrer le brouillage électronique, des solutions utilisant l’intelligence artificielle sont aussi explorées.

Selon Forbes, des solutions plus innovantes seraient explorées pour déjouer le brouillage électronique. L'armée ukrainienne aurait ainsi testé des drones équipés d'intelligence artificielle qui permet au pilote de verrouiller une cible. L'engin peut ainsi atteindre son objectif même s'il perd le contact avec son pilote.