Champions Cup de rugby : attaque libérée, pack féroce, état d’esprit retrouvé... Comment Toulon a retrouvé le devant de la scène
Retour aux avant-postes. Le Rugby Club Toulonnais, triple champion d’Europe à la grande époque de Mourad Boudjellal - le seul triplé de l’histoire de la compétition entre 2013 et 2015 -, a retrouvé cette saison le fil de sa grande histoire avec la Champions Cup, après avoir remporté la Challenge Cup, sa petite sœur, en 2023. Se hissant en phase finale pour la première fois depuis 2021 et un triste huitième de finale contre le Leinster perdu sur tapis vert à cause d’un cas de Covid-19. Pas de sentiment d’injustice cette année. Les Varois, menés 35-13 à la 32e minute le week-end dernier, ont fini par balayer les Saracens en huitièmes de finale dans une véritable orgie de jeu (72-42), avec dix essais varois à la clé.
Mais le manager toulonnais Pierre Mignoni, l’homme du renouveau, veut maintenir son équipe en éveil. «On a vu deux équipes de Toulon. Une équipe qui peut être battue par n’importe qui, et une autre qui peut battre n’importe qui. Entre les deux, on a un équilibre à trouver, a-t-il insisté. Ces deux facettes ne nous coûtent pas cher aujourd’hui parce qu’on a des ressources et qu’on fait une seconde période exceptionnelle, mais on ne peut pas se permettre de faire ça en quart de finale car on ne reviendra pas au score. Je pense que c’était un gros accident qui ne doit pas arriver.»
Quel Toulon verra-t-on la semaine prochaine ? Est-ce que cette équipe a vraiment envie de franchir un cap ?
Pierre Mignoni
Après plusieurs saisons dans le creux de la vague, le RCT rejoue les premiers rôles. Troisième du Top 14, le club varois a, grâce à sa première place de groupe décrochée lors de la phase finale, l’avantage du terrain en huitièmes puis en quarts. «Quel Toulon verra-t-on la semaine prochaine ? Est-ce que cette équipe a vraiment envie de franchir un cap ? S’ils peuvent démarrer pied au plancher la semaine prochaine, ça m’arrangerait», sourit Pierre Mignoni avant de défier le Stade Toulousain pour un choc indécis entre les clubs tricolores le plus titrés. Neuf couronnes cumulées pour les deux équipes françaises, presque un tiers des titres distribués en 30 éditions. Mais une première confrontation dans cette compétition.
Toulon sait qu’il passera ce dimanche après-midi un vrai test de croissance. Pour valider les progrès et la constance aperçus depuis le début de la saison. En 2024-2025, les Varois n’ont enchaîné qu’une seule fois deux défaites d’affilée : deux revers à l’extérieur, début octobre, à Clermont (19-18) puis face au Racing 92 (22-6). Interrogé sur les raisons de cette réussite actuelle, Pierre Mignoni a récemment confié à l’AFP : «C’est un ensemble de choses. Le recrutement nous aide bien. Certains joueurs ont progressé et bien évolué parmi ceux qui sont ici depuis mon arrivée. Il y a plus de stabilité aussi... Forcément, ça paye. Mais je vois encore tellement d’axes de progrès. Moi, je ne suis pas du tout rassasié. J’ai le sentiment qu’on peut aller encore bien plus loin.»
Pour notre confrère Mathis Merlo, qui suit le club au quotidien pour Midi Olympique et Sud Radio, cette montée en puissance est «logique parce que le club travaille enfin sur la durée avec un staff qui n’a pas été modifié depuis le départ de Franck Azéma il y a deux saisons. En résumé, le calme est revenu à Toulon, avec un cap clair mis en place par Pierre Mignoni. Il y a beaucoup moins de vagues ou de polémiques que lors d’un passé récent.» Le Stade Toulousain va se retrouver dimanche face à un défi de taille : devenir la première équipe à s’imposer cette saison à Mayol, où le RCT a signé treize succès toutes compétitions confondues, dont neuf avec le bonus.
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Mathias Merlo le confirme : «Ils ont franchi un palier tout d’abord en se resserrant sur le fait de conserver Mayol inviolé. Avec le RCT, il n’y a que Bayonne qui a réussi, à date, une telle performance. Ils ont aussi remis en place un ADN plutôt fort, proche de l’identité historique de Toulon avec un paquet d’avants très fort, conquérant, qui leur permet ensuite de mettre en valeur les talents dans leur ligne de trois-quarts, à l’instar de Gaël Dréan qui est le meilleur marqueur du Top 14 (11 essais, NDLR). Les victoires ont donné confiance à l’équipe, et ont permis à tous de se mettre en valeur dans un collectif mieux huilé. Contrairement aux années précédentes, Mignoni, grâce à son travail, dispose d’un groupe bien plus homogène avec 30 à 35 joueurs de haut niveau.»
On a une qualité depuis le début de la saison, c’est l’état d’esprit. On affiche une solidarité qu’on n’avait pas lors des saisons précédentes
Pierre Mignoni
Selon le manager varois, «l’attaque, ce n’est pas compliqué. J’avais dit en début de saison que je n’étais pas inquiet par rapport à ça. On a travaillé dur, on a ajusté certaines choses et on a essayé de donner beaucoup plus de liberté et de clarté dans notre jeu. Il y a un cadre bien établi, mais dans ce cadre, le talent des joueurs doit prendre le dessus. Je crois que l’équipe avait besoin de ça». Surtout, le RCT a su retrouver un côté tueur, une froide efficacité. «On a une qualité depuis le début de la saison, c’est l’état d’esprit. On affiche une solidarité qu’on n’avait pas lors des saisons précédentes où on pouvait lâcher à certains moments. Même s’il reste encore beaucoup trop d’erreurs parfois, avec cette solidarité, on peut voyager», apprécie Mignoni.
Après le court succès face à Glasgow (30-29) lors de la 2e journée de Champions Cup, mi-décembre, le centre Jérémy Sinzelle, qui ne mâche jamais ses mots, avait tapé du poing sur la table. «On doit être plus froid et montrer que nous sommes une grande équipe. En ce moment, nous ne sommes pas encore une grande équipe», avait-il asséné. Depuis les choses ont bien évolué. Toulon doit maintenant le confirmer face à la meilleure escouade d’Europe.