"C'est un privilège de passer une année entière avec sa fille" : la Suède, paradis des familles avec son congé parental longue durée

En France, le budget de la sécurité sociale, qui est débattu en commission à partir du lundi 27 octobre à l'Assemblée nationale, prévoit d'améliorer le congé parental français. Au lieu d'un an rémunéré quelques centaines d'euros, les parents pourraient bénéficier d'un congé de naissance de deux mois, en plus du congé maternité et du congé paternité, rémunérés 70% du salaire net le premier mois, puis 60% le second. On restera encore très loin du modèle suédois. En Suède, les parents se partagent 480 jours à deux. Des jours rémunérés au moins 80% de leur salaire. L'un des premiers effets, c'est que les papas pouponnent.

À Stockholm, les "papas poussettes" sont nombreux dans ce parc à profiter des derniers rayons du soleil avant l’hiver. Ils sont tous en congé et parfois pour longtemps. C'est, par exemple, une année complète à passer ensemble pour Gustav et la petite Amélia. "On essaie d'aller au parc le matin, rentrer à la maison pour déjeuner, faire une longue sieste, puis peut-être retourner au parc, ou visiter un musée, ou la bibliothèque", raconte ce papa. Déjà trois mois qu’il pouponne et ce juriste ne s’en lasse pas. "C'est un privilège de passer une année entière avec sa fille, de la voir grandir, d'apprendre à la connaître", dit-il.

"J'ai constaté une différence dans la relation qui s’est nouée entre nous"

À 37 ans, pour son premier enfant, Shell troque, lui, avec plaisir son costume de chef de produit dans la grande distribution pour celui de papa poule. "Peu importe où tu en es dans ta carrière, c'est juste sympa de pouvoir prendre 3, 6 ou 8 mois et de faire quelque chose de complètement différent". Shell ne lâche pas des yeux la petite tête blonde de son fils lancé à l’assaut de l’aire de jeux. "Les huit premiers mois, il était seul avec sa mère. Je travaillais, explique-t-il. Quand j’ai commencé à rester à la maison avec lui, j'ai constaté une différence très nette dans ses réactions à mon égard, et dans la relation qui s’est nouée entre nous".

Behshad Shadvari, dans un parc avec sa deuxième fille. (JULIE MARIE-LECONTE / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Behshad Shadvari, dans un parc avec sa deuxième fille. (JULIE MARIE-LECONTE / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Quand on explique à des Suédois que jusqu'ici le congé parental en France n'est indemnisé qu'environ 400 euros par mois, ils sont sidérés. "400 euros, c'est dur pour joindre les deux bouts", estime Gustav.

"Je travaille dans une banque, je vais récupérer 90% de mon salaire. C'est vraiment trop bien, j'ai de la chance d'être en Suède !"

Beshad, un jeune papa

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"Je peux vivre ma vie, payer mon loyer et rester une femme indépendante, souligne Amanda. Nous donnons naissance à la prochaine génération. Ils devraient nous payer plus pour faire cela avec notre corps et pour tout le reste !" Elle en est à son dixième mois de garde du petit Nicolas, mais contrairement à beaucoup d'autres personnes croisées ne dépeint le tableau en rose layette : "Le travail commence à me manquer un peu. Parce là c'est : le parc, les couches... Ne pas savoir si on est lundi, mercredi ou samedi me pèse également."

Des "écoles maternelles ouvertes" pour se retrouver entre parents

Pendant leur congé, les parents peuvent frapper à la porte d'une "öppna förskola", littéralement une école maternelle ouverte, gérée par la ville, parfois par l'église. Ici, pas question de déposer son enfant, on reste avec lui. Il y a une kitchenette avec du café et des biscuits, des jeux pour les enfants, mais surtout d'autres adultes. "Je pourrais me sentir un peu isolée, admet Hananh. Passer huit heures toute seule avec le bébé, cela peut être un peu intimidant. Je trouve ça tellement agréable de pouvoir aller ailleurs avec d'autres adultes, passer du temps ensemble et faire connaissance avec de nouvelles personnes du quartier." Éric, abonde dans ce sens : "Rester uniquement à la maison, je pense que ce serait dur pour moi, mentalement."

C'est dans une öppna förskola que le mari de Sophie Aubart a passé le plus clair de son congé parental, il y a sept ans.

"C'est hyper important pendant six mois, un an, d'avoir une vie sociale. Tout est adapté."

Sophie Aubart

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"Quand on rentre en France, dit-elle, je ne comprends pas que dans les restaurants il n'y ait pas de chaises hautes, ni de tables à langer dans les toilettes. Ici, c'est dans tous les restaurants. Les gens sont à la maison avec leurs enfants, mais ils sortent."

Les entreprises adaptent les horaires de travail

Quand on retrouve à 17h45 cette cheffe d'entreprise sur son lieu de travail, les locaux sont vides. Elle est ici depuis 2017. La politique familiale suédoise, explique-t-elle, représente un tout : "Dès que l'enfant a 12 mois, on a une place garantie en crèche. L'employeur ne peut pas te refuser un 80%. Les parents peuvent partir plus tôt pour aller chercher leur enfant à 15h30-16 heures, c'est totalement accepté."

À écouter Sophie Maillard, conseillère en recrutement, en Suède, la culture de la parentalité heureuse est devenue une norme sociale.

"Travailler jusqu'à 19-20 heures ce n’est pas normal. La parentalité est valorisée dans les entreprises en Suède."

Sophie Maillard, conseillère en recrutement

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"Prendre sa place comme parents est vu comme quelque chose de positif, dit-elle. On profite de ses enfants. On ne fait pas des enfants pour ne pas s'en occuper."Revers de la médaille, il existe néanmoins un risque, selon certains témoignages : une forme de pression à être des parents parfaits.  De plus, malgré cette politique familiale "généreuse", les Suédois font désormais de moins en moins d'enfants. Le taux de natalité est même légèrement plus faible qu'en France.