Étudiants, surveillants pénitentiaires, sages-femmes : « Mayotte est laissée de côté »

Deux semaines après la rentrée, de nombreux étudiants sont toujours sans affectation. Mardi 9 septembre, une cinquantaine d’étudiants est venue exprimer son ras-le-bol devant les grilles de l’université. Et pour cause, l’établissement peine toujours à accueillir ses élèves dans de bonnes conditions. Plusieurs salles restent fermées, la bibliothèque est inaccessible et les inscriptions ne sont toujours pas finalisées fautes de guichets fonctionnels.

Les blocages ne se limitent pas à l’administration. Le passage du cyclone Chido en décembre dernier a aggravé une situation déjà précaire. Les travaux de remise en état des infrastructures, prévus depuis de longs mois, ne sont toujours pas achevés.

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L’université, jeune établissement créé en 2011, n’a jamais réussi à suivre le rythme de la démographie. Avec une croissance annuelle de la population d’environ 4 %, chaque rentrée amène de nouvelles cohortes que les infrastructures existantes peinent à absorber. Face à cette situation, étudiants et enseignants se sont mobilisés aujourd’hui à Mamoudzou. Un mouvement qui fait écho aux actions menées par les parents d’élèves, qui avaient bloqué plusieurs écoles primaires dès le jour de la rentrée pour dénoncer des conditions d’apprentissage jugées indignes.

« Tout se fait dans l’urgence »

Au centre hospitalier de Mamoudzou, c’est la plus grande maternité de France qui fonctionne au ralenti. Depuis la mi-août, les sages-femmes ont activé leur droit de retrait pour dénoncer des conditions « insoutenables ». Sur les 75 postes nécessaires au bon fonctionnement du service, seules 36 professionnelles sont en activité.

Les conséquences se voient partout : chambres saturées avec trois lits, patientes installées dans les couloirs, accouchements réalisés sur des brancards. Une praticienne témoigne à l’AFP : « Je peux suivre plus de vingt patientes en une journée. C’est du travail à la chaîne, sans possibilité d’écoute. On se sent impuissantes. » Une autre, arrivée depuis un an, a décidé de ne pas renouveler son contrat : « Tout se fait dans l’urgence. On part épuisées, et personne ne reste. »

Selon Cloé Mandard, présidente du conseil départemental de l’ordre des sages-femmes, la pénurie s’auto-entretient : plus les équipes sont réduites, plus les départs s’accélèrent. L’hôpital avait déjà du mal à recruter, l’attractivité du territoire étant faible face aux contraintes sociales et au coût de la vie. Résultat : une maternité qui enregistre près de 10 000 naissances par an – le double d’il y a quinze ans – avec la moitié du personnel requis. « Chaque année, on nous promet des mesures. Mais rien ne change », regrette-t-elle à l’AFP.

Les surveillants pénitentiaires au bord de la rupture

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À quelques kilomètres de là, devant la maison d’arrêt de Majicavo, la colère des surveillants s’est traduite par un arrêt de travail massif. La semaine dernière, cinq agents ont été violemment agressés par deux détenus. L’incident a ravivé de douloureux souvenirs, un an après la mutinerie de 2024 qui avait conduit à la démission du directeur de l’établissement.

« Nos collègues sont épuisés. Certains font douze heures d’affilée, reviennent le lendemain pour une nuit complète et n’ont qu’un jour de repos », dénonce Mouhamadi Houmadi, délégué syndical FO Justice, au Figaro. Sur les 123 surveillants théoriquement en poste, plus d’une quarantaine est en arrêt maladie. Les équipes tournent donc avec environ 80 agents, pour encadrer plus de 600 détenus.

La surpopulation carcérale est telle que les cellules accueillent systématiquement quatre prisonniers, parfois jusqu’à six, sur des matelas posés au sol. « Quand un surveillant se retrouve seul face à six détenus, le rapport de force est écrasant. L’insécurité est permanente », souligne un agent. Les espaces initialement prévus pour la détention longue ont été transformés en quartiers de maison d’arrêt

Après leur entretien avec la direction interrégionale, les syndicats ont obtenu l’annonce de renforts limités – quatre surveillants supplémentaires d’ici la fin de l’année, six autres en 2026 – ainsi qu’un audit sur l’organisation interne. Mais beaucoup jugent ces mesures dérisoires. « On nous promet depuis des années un nouvel établissement pénitentiaire. L’argent est débloqué, mais il n’y a toujours pas de terrain. Mayotte est laissée de côté », tranche le représentant syndical. D’autres mobilisations pourraient avoir lieu après la reprise des négociations en octobre. Pour le département le plus pauvre de France, ces crises successives pèsent lourd et mettent en lumière l’urgence d’investissements durables.