«C’était la semaine du Far West à Villeurbanne». Après quatre fusillades en cinq jours, la formule provocatrice de ce policier lyonnais marque néanmoins une triste réalité. Aux coups de feu du début de semaine sur les points de deal du Tonkin sont venues s’ajouter des fusillades à l’arme lourde ce week-end. Dans le quartier Ferrandière vendredi soir d’abord, avec deux blessés dont un gravement, selon une information du Progrès confirmé au Figaro par plusieurs sources proches du dossier. Les coups de feu ont été tirés sur un point de deal de ce quartier, où les balles avaient résonné à plusieurs reprises l’été dernier. Le lendemain, c’est quelques rues plus loin, dans le quartier de Flachet, que des armes lourdes ont été utilisées, en guise d’avertissement cette fois. Une façade d’immeuble a été criblée de balles et huit douilles de gros calibres retrouvées au sol.
De quoi réveiller les craintes d’une balle perdue pour les Villeurbannais. «Les habitants ont peur, confirme le maire Cédric Van Styvendael (PS) au Figaro. Nous sommes en contact quotidien avec des habitants, des collectifs qui sont inquiets». En réaction, la préfecture a envoyé des renforts dans la commune. Deux équipages de BAC supplémentaires sont présents en continu, selon nos informations. Ils s’ajoutent à ceux de la CRS 83 maintenus au Tonkin depuis la série de fusillades de l’automne 2023. C’est dans ce quartier limitrophe de Lyon et du parc de la Tête d’or, mais aussi du quartier étudiant de la Doua et du pôle de transports de Charpennes, que le trafic est le plus rentable et florissant. Conformément aux demandes répétées du maire et aux promesses de Gérald Darmanin, le ministère de l’Intérieur y a installé il y a quinze jours une nouvelle brigade spécialisée de terrain (BST). Ces 13 policiers nationaux sont dédiés à la lutte contre les trafics de stupéfiants.
Guerre de territoire ?
Pas de quoi endiguer la violence pour l’heure ? En affaiblissant certains réseaux en fermant certains points de deal, comme celui de la rue Jacques Brel, l’action policière pourrait justement aiguiser l’appétit des trafiquants. La concurrence de nouveaux arrivants désireux de prendre la main sur des concurrents affaiblis peut ainsi alimenter les guerres de territoires. «C’est une hypothèse plus que probable», glisse une source sécuritaire, alors que plusieurs procédures judiciaires seraient en cours, selon plusieurs interlocuteurs. «Ce qui est sûr, c’est qu’il y a à l’œuvre, à Villeurbanne, des réseaux organisés et armés avec des moyens importants, tranche le maire. C’est un phénomène national lié à l’installation dans notre pays d’un narcotrafic».
L’appât du gain des points de deal villeurbannais aiguise donc les appétits. D’aucuns évoquent l’intérêt de réseaux marseillais qui remonteraient le Rhône, sans que cela n’ait pu être confirmé pour l’instant. Reste que, face à la progression du trafic, plusieurs interlocuteurs soulignent la nécessité d’agir rapidement. Le maire de Villeurbanne, qui a doublé les effectifs de police municipale et le parc de caméras de vidéosurveillance, appelle ainsi à la réalisation des mesures proposées par Étienne Blanc et Jérôme Durain dans leur rapport sénatorial, avec notamment la création d’un parquet dédié.