La Cour des comptes souligne les vertus de la production de biogaz... et critique la politique la concernant

Un gaz produit localement, renouvelable, capable d’apporter une réponse aux incertitudes internationales sur les approvisionnements. Dans un rapport dévoilé ce mercredi soir, la Cour des comptes, pourtant prompte à la critique, salue les avantages du biogaz qui répond «à de multiples objectifs de politique publique : la décarbonation de la production d’énergie, la transition agroécologique et la résilience des exploitations agricoles, la gestion et le traitement des déchets». Pour un peu, on imaginerait presque un blanc-seing de la Cour aux 1911 méthaniseurs installés sur le territoire à fin 2023. Si elle ne remet pas en cause le principe - produire du gaz à partir de déchets - l’institution s’interroge cependant sur le bien-fondé des objectifs de l’État en matière de développement du biogaz et sur la pertinence des soutiens publics.

Des objectifs incertains

La Cour relève d’abord que les objectifs de production de biogaz se heurtent à d’autres : ceux concernant la place du gaz en général dans le mix énergétique français, voué à s’électrifier et à se décarboner. Ainsi, en 2050, la consommation de gaz résiduelle devra être entièrement assurée par des biogaz. Seul hic : cette consommation résiduelle n’est pas quantifiée. Comment alors fixer un objectif de production de biogaz? «Les trajectoires de production d’énergie permettant d’atteindre ces objectifs en 2050 demeurent très incertaines», souligne le rapport. Or, la consommation d’électricité influence le niveau de la consommation de gaz, et donc, les besoins en production de biogaz et aussi, le développement des réseaux. De nombreuses inconnues demeurent encore dans l’équation.

«Les travaux sur l’avenir de ces réseaux abordent insuffisamment l’impact de la baisse des consommations et du nombre de consommateurs de gaz sur leur financement, alors que ces derniers en supportent le coût, ainsi que sur leur bon dimensionnement», ajoute le rapport. Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE) et la Commission de régulation de l’énergie (CRE), qui ont tous deux produit de tels travaux, apprécieront...

La disponibilité de la biomasse en question

La Cour s’interroge aussi sur la disponibilité de la biomasse nécessaire à la méthanisation. «Les matières organiques utilisées pour produire le biogaz, les « intrants », sont constituées de matières et déchets tels que les effluents d’élevage, les résidus de culture ou les biodéchets collectés par les collectivités locales, qui trouvent dans cet usage une valorisation énergétique», rappelle le rapport. S’appuyant sur des estimations du secrétariat général à la planification écologique, «la Cour estime que la disponibilité de biomasse pour la méthanisation pourrait être insuffisante dès 2030, compromettant 15 des 50 TWh de biogaz qui pourraient être retenus dans la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie». Les acteurs du secteur ont déjà critiqué ces conclusions, rappelant qu’il faut bien distinguer les différentes sources de biomasse. Celle qui est utilisée dans les méthaniseurs n’entre pas en concurrence avec la filière bois pour la production de meubles par exemple. Le syndicat des énergies renouvelables appelle d’ailleurs à un débat sur les usages et les intrants utilisés dans les différentes filières.

Un calibrage imparfait des aides

Le biogaz a bénéficié d’un empilement d’aides, allant de tarifs d’achat garantis à des subventions d’investissement en passant par des exonérations d’impôts locaux pour les méthaniseurs des agriculteurs. De quoi «compliquer l’appréciation de la rentabilité effective des installations et le juste calibrage des aides apportées à une filière naissante», estime la Cour, qui salue une étude récente de la CRE sur le sujet. Cette dernière relève un taux de rentabilité interne médian de 16,9% avant impôts, en tenant compte des subventions d’investissement.

Les engagements pris au titre des tarifs d’achats de fin 2022 représenteraient de 12,7 à 16,2 milliards d’euros à décaisser pour l’État d’ici 2037. Il faut ajouter 7 milliards à ces sommes pour prendre en compte les contrats qui seront signés d’ici 2028. Et encore ajouter jusqu’à 3,9 milliards pour prendre en compte le biométhane utilisé en cogénération (pour la production d’électricité dans des centrales à gaz).

Une contribution aux revenus des agriculteurs

Produire du biogaz n’en reste pas moins un moyen efficace de décarboner le mix énergétique, tout en réduisant l’utilisation d’énergies fossiles importées. Cela contribue également à «la politique publique de transition agroécologique et à la politique de traitement des déchets, sans que la portée de ces contributions ne soit toutefois réellement mesurée et appréciée». La Cour a néanmoins estimé que «les exploitations agricoles impliquées dans la méthanisation ont accru leur excédent brut d’exploitation (EBE) de 40 000 euros à un an et de 55 000 euros à cinq ans entre 2016 et 2019, soit une augmentation de l’ordre de 20 % par rapport aux exploitations similaires non impliquées dans la méthanisation». Un complément de revenu non négligeable pour les exploitants agricoles !