Le Café de la Danse, scène incontournable du quartier de la Bastille, à Paris, n'invitera plus d'artistes israéliens ou palestiniens. La salle de spectacle, d'une capacité de 500 places, a annoncé cette «décision regrettable» jeudi sur son compte Instagram, souhaitant éviter que «le Café de la Danse, lieu strictement culturel, devienne une tribune, ou pire, un lieu d'affrontement». Le communiqué précise également que les contrats de location de la salle contiennent «depuis plusieurs mois» une clause interdisant «toute manifestation politique, drapeau ou symbole sur scène de quelque pays que ce soit».
Le Café de la Danse assure que la situation internationale «est au cœur de [ses] préoccupations» mais justifie sa décision radicale par «les grandes tensions qui règnent actuellement». Et de conclure : «Nous déplorons toutes les victimes et prions pour la paix.» Ce choix de programmation intervient quelques jours après le concert de l'artiste Flèche Love, dont la première partie était assurée par le chanteur palestinien Bashar Murad. Dans une publication sur son compte Instagram mercredi, Flèche Love, de son vrai nom Amina Cadelli, a confirmé l'existence la fameuse clause du contrat pour interdire toute manifestation politique sur scène. Elle affirme que les gérants de la salle lui ont signifié le jour du concert, alors que la programmation était connue de longue date, que la présence de Bashar Murad «les inquiétait».
Keffiehs et drapeaux palestiniens dans le public
«Ils nous ont informés qu'ils surveilleraient particulièrement son concert, et qu'ils mettraient fin à la soirée à la moindre évocation de la situation en Palestine, poursuit Flèche Love. Le Café de la Danse a voulu nous museler, nous censurer. Nous avons senti dans notre chair l'invisibilisation de la question palestinienne, plus que tout autre propos politique. La vie de Bashar est politique.» Faisant fi des avertissements, la Suisso-algérienne de 34 ans a invité Bashar Murad à la rejoindre sur scène à la fin de son concert pour qu'il puisse chanter It's a Hell (C'est un enfer, ndlr), morceau en forme d'«appel explicite à la paix et la justice dans son pays, la Palestine».
Télérama rapporte qu'une personne dans la fosse a crié «Free Palestine !» et que certains spectateurs se sont noués des keffiehs sur la tête. Bashar Murad a lui-même attrapé un drapeau palestinien provenant du public. «J'ai pris la parole avec d'autant plus de ferveur qu'on m'avait intimé le silence, explique-t-il. En tant que Palestinien, je n'ai pas le luxe d'être politique ou pas.» Ces dernières minutes de concert contrevenaient ainsi directement à la clause du contrat.
Appels au boycott
Loïc Barrouk, gérant du Café de la Danse, précise à Télérama que Bashar Murad «n'aurait pas dû être invité», mais qu'il a appris qu'il était Palestinien la veille du concert seulement. «Dans cette période de tensions, nous avons une grande responsabilité vis-à-vis du public, insiste le gérant. Éviter les débordements, voire d'éventuels affrontements, fait partie de mon travail. Afin de protéger la salle, j'ai donc opté pour la neutralité.»
En réaction à ce qu'elle qualifie d'«acte de violence», mais aussi pour soutenir «la population palestinienne meurtrie par les bombes», Flèche Love a fait part de son intention de ne plus jouer sur la scène du Café de la Danse, ni d'y voir d'autres concerts. «Nous avons déjà vu des concerts au Café de la Danse où la parole semblait libre, sur de nombreux sujets politiques, tout en restant dans un esprit démocratique», déplore-t-elle. Sur les réseaux sociaux, plusieurs internautes se sont émus de la décision du Café de la Danse de fermer la porte aux artistes israéliens ou palestiniens. «Triste», «Ridicule», «La giga honte», «Abusif et inacceptable», peut-on lire en vrac parmi les réactions, certains criant à la censure, au bafouement de la liberté d'expression. D’autres allant jusqu’à appeler au boycott.