La série Les Guerres de Lucas, signée du tandem Laurent Hopman au scénario et Renaud Roche au dessin, rappelle avec brio que la création d’un mythe relève de l’épopée, d’une extraordinaire aventure humaine. Dans le premier volet, sorti en 2023 et multi primé, le lecteur suit la jeunesse d’un visionnaire marquée par un imaginaire forgé par les aventures de héros extraordinaires, Flash Gordon en tête. Il met en lumière un esprit indomptable prêt à tout pour imposer son univers dans une industrie cinématographique régie par l’argent.
Le second épisode présente George Lucas fort du succès du premier Star Wars, millionnaire, déterminé à s’affranchir de la dictature des studios pour se lancer dans la production de L’Empire contre-attaque qui va virer au cauchemar. Dans cette série passionnante, George Lucas n’est pas seulement le créateur d’une saga devenue mythique, annonciatrice d’une nouvelle ère cinématographique, mais le héros des rêveurs du monde entier.
Passer la publicitéL’auteur sera présent au festival littéraire Faites lire! qui se tient du 29 septembre au 5 octobre au Mans.
LE FIGARO. - Pourquoi avoir choisi d’écrire sur George Lucas alors que tant d’encre a déjà coulé sur le sujet ? Qu’est-ce qui vous a intéressé ?
LAURENT HOPMAN. - Ce qui m’a intéressé dans cette histoire, plus que la création de Star Wars, c’est le parcours humain d’un jeune cinéaste introverti animé d’une vision et de l’envie de retrouver la magie de l’enfance. Les années 1970 marquées par la sortie de la guerre du Vietnam, se sont avérées un peu moroses aux États-Unis. Le cinéma est alors englué dans des thèmes froids et durs. George Lucas, lui, a envie de rêve et ambitionne de proposer au public ce qui le faisait rêver enfant. Avec de nouveaux moyens technologiques, il va recréer un univers façonné par le souvenir de ce qui l’a émerveillé dans sa jeunesse. Indiana Jones naîtra de la même inspiration.
Qu’avez-vous découvert en préparant cet album ?
Comme tout bon fan, je connaissais l’icône un peu opaque que le grand public connaît. Mais en approfondissant mes recherches, j’ai pu voir à travers tous les témoignages, et ils sont nombreux, qui était réellement George Lucas. Un être aux grandes qualités humaines, entre la détermination, le courage, l’audace et une grande générosité. Mon travail sur l’album m’a permis d’explorer la trajectoire d’un créateur confronté à des obstacles apparemment insurmontables, comme la dictature des studios hollywoodiens. Qui va tout tenter pour s’immiscer dans ce système où foisonnent les coups bas. Les studios vont essayer à la première occasion de déposséder Lucas de son film. Et lui l’avait bien compris. Il a tellement souffert à ses débuts d’être à la merci des studios qui avaient le droit de vie ou de mort sur ses films qu’il utilisera tout ce qu’il possède, quitte à tout perdre, pour donner vie à sa vision en toute indépendance. Un acte fort et assez inhabituel à Hollywood où on utilise l’argent des autres. La manière dont il va s’y prendre pour acquérir sa liberté compose la trame du deuxième volet.
Passer la publicitéPour obtenir sa liberté, il est capable d’un pragmatisme qui s’éloigne de l’artiste rêveur...
Cette dualité fondamentale chez lui trouve ses origines dans son enfance et dans l’éducation stricte de son père qui lui a inculqué les valeurs du travail, qui ont déteint sur lui. C’est un énorme travailleur. Son succès repose sur sa capacité à rêver et à être intraitable en affaires, sans pour autant sombrer dans la spéculation. On lui a beaucoup reproché, par exemple, le commerce de produits dérivés. Il faut beaucoup d’argent pour faire des films, et il a compris que cette activité parallèle lui permettait d’acquérir une totale autonomie.
Star Wars c’est aussi l’histoire d’une grande aventure collective unie autour d’un rêve...
Absolument. La création à ce niveau ne se fait pas seule dans le cinéma. C’est un sport d’équipe. Lucas avait avec lui des alliés très puissants, pas forcément en termes d’argent ou d’influence, mais sur la partie créative. Il était notamment entouré de Coppola, de Spielberg, ces grands talents, qui vont définir le nouvel Hollywood. Ils vont l’aider, en alimentant sa réflexion et son approche créative. Et puis, il y a aussi tous ceux qui sont en coulisses. Star Wars s’avère une pépinière de talents, du directeur de la photo aux personnes qui ont contribué au scénario, en passant par les techniciens, les maquilleurs ou les accessoiristes. Sans oublier les acteurs. Dans la sphère personnelle de Lucas figure également une alliée de taille, sa femme, qui est méconnue du grand public parce que leur histoire s’est très mal terminée. Il ne lui pardonnera jamais de l’avoir quitté. Néanmoins, elle a été son roc, sa force et au niveau créatif son impact a été énorme. Nous racontons dans le deuxième tome comment leur relation évolue. Il nous a paru important de lui rendre hommage et de la remettre à la place centrale qu’elle mérite.
Vous accordez une place importante aussi aux techniciens, notamment à ceux qui gèrent les effets spéciaux, créant des trucages époustouflants avec peu de moyens, à l’instar d’un Georges Méliès...
Passer la publicitéLa vision de George Lucas ne pouvait exister qu’avec la création de nouveaux moyens technologiques. Il a monté, en 1975, son studio ILM (Industrial Light & Magic), à partir de rien. Cette industrie n’existait pas, on ne savait pas faire de tels effets spéciaux à l’époque. Seul Stanley Kubrick s’était approché de la vision de Lucas, avec 2001, L’odyssée de l’espace. Mais c’était un film assez statique. Les effets spéciaux y sont déjà époustouflants, mais éloignés du film d’action que Lucas voulait réaliser. Donc il a fallu inventer, bricoler avec les moyens du bord, compenser le manque de moyens par l’astuce. Lucas a déniché des talents qui deviendront par la suite de grands noms de l’industrie des effets spéciaux.
Est-ce qu’on peut parler d’une ode aux rêves avec Les guerres de Lucas?
Tout à fait. C’est ce qui m’a vraiment personnellement attiré dans cette histoire pétrie d’enthousiasme et foncièrement optimiste. Le combat que mène Lucas contre les studios s’apparente à David contre Goliath. Et il le gagne parce qu’il y a le rêve derrière. Au même titre que la saga, l’histoire de George Lucas fait rêver car elle s’inscrit dans la réalité. Il réussit à atteindre son but sans être corrompu par le système. Toutes les personnes animées par un idéal et confrontées à ces dilemmes, peuvent voir dans son parcours une source d’inspiration.
En tant que spécialiste du cinéma américain, pensez-vous qu’aujourd’hui Hollywood accorde encore une place aux rêveurs?
A-t-il été possible de rêver complètement à Hollywood? Les studios sont aux mains de gens qui veulent faire de l’argent, c’est avant tout une industrie. Si le rêve leur semble rémunérateur, c’est possible. Malheureusement, le système aujourd’hui a évolué avec le concours des gens issus du marketing. Tout est étudié, tout est calibré, laissant très peu de parts à la spontanéité. Il y en avait davantage à l’époque de Lucas. On pratiquait des visionnages test, on recueillait les avis de spectateurs pour essayer d’orienter les choses. Il s’avère extrêmement difficile de conserver le regard d’un créateur à Hollywood surtout sur les grosses productions de l’ampleur de Star Wars. Toute nouvelle idée intéressante à explorer passe par tellement de filtres pour rentrer dans un cadre bien précis que les films deviennent lisses et perdent les aspérités qui font tout le charme du cinéma.
On est loin de l’usine à rêve!
On s’en éloigne malheureusement...
Les Guerres de Lucas, tome 2, Laurent Hopman et Renaud Roche, Deman éditions, 25,90 euros.