Ses camarades le décrivent comme «bizarre», «pas normal» voire adepte d’«idées nazies». Quelques minutes avant l’attaque au couteau qui a coûté la vie à au moins une élève dans le lycée Notre-Dame de Toutes-Aides à Nantes, le principal suspect, un lycéen de 15 ans, a envoyé un curieux manifeste à plusieurs de ses camardes. Ce document, que Le Figaro a pu consulter, est intitulé «L’action immunitaire» et présente une teinte anti-système, technophobe, contre le progrès et proche d’une certaine forme d’écologie radicale. Dans les premières lignes, le lycéen y affirme d’emblée que «ce document ne justifie aucun acte. Il expose uniquement des faits, sans prétendre détenir toutes les solutions».
Sur 13 pages, l’adolescent, qui parle à la première personne, accuse la «mondialisation» d’avoir transformé «notre système en une machine à décomposer l’humain. Lentement, méthodiquement». Il y parle de «mode de vie perverti et tordu depuis sa racine», de «piège de la naissance jusqu’à la mort» et de «castes de privilégiés qui nous ricanent au visage».
Le jeune homme suspecté d’être l’auteur de l’attaque dénonce trois agressions globales : «l’écocide globalisé» qui est la «somme des actions humaines qui détruisent, fragmente, empoisonne ou marchandise la totalité du vivant». Contre ce système destructeur, le document souligne les «réponses immunitaires» qui remplissent le rôle d’«anticorps sociaux» : «peuples autochtones, militants écologistes radicaux, dissidents culturels, ermites, saboteurs ou encore individus qualifiés d’antisociaux» dont la fonction est nécessaire par des «stratégies de retrait» ou «l’affrontement direct».
«Perte d’identité profonde»
Comme «seconde agression», le manifeste met en avant l’«aliénation sociale», une sorte de «soumission mentale». L’auteur pointe notamment le rôle de la «ville moderne déshumanisante» où l’«humain devient une unité économique». «La solitude n’est plus un état passager, elle est devenue une structure». Le texte fustige alors la «perte d’identité profonde», l’«oubli des rites, des symboles, des appartenances ancestrales» ou encore le «déracinement» qui est une «désintégration» et la «résistance» qui est «psychiatrisée et criminalisée».
Le manifeste s’arrête enfin sur le «conditionnement social totalitaire» dans lequel l’auteur blâme tour à tour les médias, les réseaux sociaux, le système éducatif, «le culte du progrès» ou encore l’intelligence artificielle. Les 13 pages se terminent par un commentaire d’un tableau du peintre Brueghel, Le Misanthrope, accompagné de la légende : «Parce que le monde est si perfide / Pour cela je vais dans le deuil».
Pour un de ses anciens camarades de classe, interrogé par Le Figaro, l’adolescent «n’était pas normal». «Il était réservé. Il partageait des idées bizarres, des idées nazies. Il rigolait de ça mais moi je ne pense pas qu’il rigolait tant que ça», confie cet élève actuellement en 3e et qui est parti en classe verte avec lui. «Il avait un ou deux amis mais n’était pas normal, ça se voyait dans sa façon de parler». Le lycéen a été interpellé peu après les faits.