La douche fait partie de la routine au zoo de Berlin. Tous les matins, les soigneurs arrosent longuement les éléphantes asiatiques Mary et Anchali - qui ont accès à l’eau et aiment s’en asperger. Si les deux pachydermes ont été entraînés à ne pas marcher sur le tuyau, c’est sans aide humaine qu’ils ont appris à s’en servir, chacun de façon très différente.
« Les éléphantes sont capables d’utiliser le tuyau de manière sophistiquée, alors même que cet outil est complexe à manier du fait de sa flexibilité et du débit d’eau », ont observé des scientifiques du Centre de neurosciences Berstein, à Berlin, qui publient leur étude de cas vendredi 8 novembre dans la revue Current Biology.
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La plus âgée des deux femelles, Mary, fait preuve d’une habileté exceptionnelle. Sur les vidéos publiées par les chercheurs, on peut voir la femelle adapter son utilisation du tuyau aux parties du corps qu’elle cherche à atteindre. Pour arroser l’oreille droite, l’éléphante saisit – en cinq secondes en moyenne - le tuyau par le bout, l’utilisant avec dextérité comme un pommeau de douche.
Mais Mary a recours à une autre stratégie pour asperger son dos : elle attrape le tuyau plus loin de l’extrémité, puis le balance vers l’arrière en mettant la flexibilité de l’objet à profit. Coordonnant parfaitement ses mouvements, l’éléphante tend son pied droit vers l’avant au moment où elle dirige le jet à cet endroit.
Compréhension intuitive
Les scientifiques, qui ont proposé à Mary d’autres types de tuyaux, plus ou moins gros et rigides, notent que l’éléphante parvient à tirer parti des avantages de chacun. « Ces comportements élaborés suggèrent que les éléphants ont une compréhension intuitive du fonctionnement d’un tuyau, potentiellement en raison des similarités avec leur propre trompe », en déduit Lena Kaufman, spécialiste du comportement animal à l’université Humboldt de Berlin, et auteur de l’étude.
Un autre enregistrement met en scène Anchali, une jeune éléphante au tempérament apparemment provocateur. Alors que Mary est en train de se doucher, sa colocataire tire sur le tuyau, puis l’attrape, le plie et le pince fortement. Cette manipulation a pour effet d’arrêter le jet, ce que les chercheurs interprètent comme « une volonté délibérée de saboter la douche de Mary ». Anchali a répété la manœuvre plusieurs jours de suite, améliorant peu à peu son efficacité.
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Déjà observée dans la nature, l’utilisation d’outils par les éléphants est rendue possible par la capacité de préhension de leur trompe qui contient, selon Léna Kaufman, « autant de muscles que le corps humain ».
Les scientifiques ignorent quand et comment les éléphantes ont acquis ces comportements élaborés. Si les soigneurs assurent que Mary ne savait pas utiliser le tuyau à son arrivée au zoo de Berlin, il est possible qu’elle ait observé le geste auparavant chez ses congénères. Les éléphants passent en effet leur temps à se couvrir d’eau, de boue ou de poussières, et la plupart des situations où ils ont recours à des outils concernent les soins du corps.