"Forteresses allemandes dans la France libérée" et "Vichy était-il la France ?"
Alors qu'on célébrait cette semaine les 80 ans de la capitulation allemande, voilà un livre qui rappelle une histoire souvent oubliée : celle des villes françaises qui n’étaient toujours pas libérées, le 8 mai 1945.
"Forteresses allemandes dans la France libérée" de Stéphane Simmonet aux éditions Allary
Plus d’un an après le débarquement en Normandie, ils étaient encore des dizaines de milliers de Français à vivre sous occupation allemande dans ce qu’on a appelé les "Poches de l’Atlantique", à Dunkerque, à Lorient ou encore à Saint-Nazaire, des villes assiégées pendant des mois par les Alliés et les Forces françaises de l’intérieur.
Des sièges interminables que l’on voit en image grâce aux archives du ministère des Armées. Ce sont des photos prises par des reporters de guerre du côté des Alliés, mais aussi du côté des Allemands, ce qui est plus rare.
On voit tout ce qui a fait le quotidien de ces sièges : l’attente, la lassitude, les blessés, les morts, les ruines, mais aussi les tractations entre officiers, notamment celles qui ont permis à La Rochelle de ne pas être détruite.
On est frappé par la détermination allemande, le respect jusqu’au bout de cette consigne de résistance donnée par Hitler en 1944. Comme le dit l'historien Stéphane Simmonet, tout cela témoigne avant tout d’un grand gâchis de forces et de vies humaines. Mais cela permet aussi de comprendre la marque profonde laissée par ces combats dans ces territoires.
"Vichy était-il la France ?" de Sébastien Ledoux aux éditions JC Lattès.
Un petit livre passionnant sur la construction de la mémoire, en l’occurrence celle de la Rafle du Vel d’Hiv : comment notre pays a-t-il choisi de se souvenir de cette rafle et plus largement de la déportation des Juifs ? Une mémoire qui a énormément évolué entre 1945 et 1995, l’année du fameux discours de Jacques Chirac reconnaissant la responsabilité de la France.
C’est cette évolution que retrace l'historien Sébastien Ledoux, avec des exemples éloquents, comme cet article de presse qui annonce en 1945 le retour du sport au Vélodrome d’Hiver sans mentionner la rafle. Une rafle absente ensuite de pratiquement tous les manuels scolaires jusque dans les années 1960, avant de resurgir dans le débat public dans les années 1970 et d’intégrer enfin le récit national dans les années 1980.
Cette évolution s'est faite grâce au travail d’anciens résistants, d’historiens et d’organisations juives qui, au fil des décennies, ont établi les faits et influé le discours politique. Alors que certains dirigeants préféraient le silence et l’oubli au nom de la réconciliation et de la grandeur de la France, ils ont réussi à imposer ce que Charles Péguy appelait "l’incommode image exacte" de la Nation.
Un travail essentiel et menacé encore aujourd’hui, dit l’auteur, par la tentation du révisionnisme et du nationalisme.