Pourquoi la procureure Maurene Comey, fille d’un ancien patron du FBI, est devenue la bête noire de Donald Trump

«La peur est l’outil du tyran.» Ces mots, Maurene Comey les a écrits dans un mail à ses collègues le jour de son licenciement. À 37 ans, cette procureure fédérale n’est autre que la fille de James Comey, l’ancien directeur du FBI et ennemi juré de Donald Trump.

Comme son illustre père, elle est devenue la bête noire du président américain. Cette inimitié lui a d’ailleurs joué des tours : elle a été brutalement congédiée le 16 juillet du bureau du procureur de Manhattan sans motif ni aucune explication, si ce n’est une référence laconique à «l’article II de la Constitution», qui définit et encadre notamment les pouvoirs du président américain.

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Carrière exemplaire

Diplômée de Harvard Law School en 2013, Maurene Comey a gravi tous les échelons du prestigieux bureau du procureur fédéral du district sud de New York. En dix ans de carrière, l’avocate très respectée a personnellement mené 11 procès et obtenu plus de 200 condamnations. Responsable de l’unité de lutte contre le crime organisé, puis de celle contre la corruption publique, elle a supervisé la condamnation du sénateur démocrate Robert Menendez pour corruption.

Plus récemment, la magistrate a obtenu la condamnation de Sean «Diddy» Combs pour transport à des fins de prostitution. Le rappeur a, en revanche, été acquitté des accusations les plus graves de trafic sexuel et d’association de malfaiteurs, qui lui faisaient risquer la prison à vie. Mais c’est surtout pour le dossier explosif de Jeffrey Epstein qu’elle s’est fait connaître. En 2019, elle rejoint l’équipe qui poursuit le financier déchu pour trafic sexuel avant son suicide en prison.

Elle mène ensuite avec succès les poursuites contre Ghislaine Maxwell, sa complice, condamnée à 20 ans de prison. Problème : ce dossier empoisonne depuis de longues semaines la présidence de Donald Trump, en particulier auprès de sa base qui s’abreuve de théories complotistes, selon lesquelles Jeffrey Epstein aurait été assassiné pour l’empêcher d’impliquer des personnalités de premier plan. À commencer par Donald Trump qui a longtemps été un proche de Jeffrey Epstein, avant de rompre avec lui.

La procureure Maurene Comey arrive au procès de Sean «Diddy» Combs pour trafic sexuel devant la Cour fédérale de Manhattan, le 22 mai 2025 à New York. Michael M. SANTIAGO / AFP

«Cela vient de Washington»

Si le licenciement de Maurene Comey a été une surprise, il est aussi survenu après une campagne acharnée de Laura Loomer, militante complotiste proche de Trump. «Ne vous attendez à rien de positif au ministère de la Justice si Bondi ne peut même pas se résoudre à licencier la fille indic de Comey»tweetait Laura Loomer en mai à ses 1,8 million d’abonnés. Après son renvoi, l’influenceuse MAGA s’est félicitée : «Cela survient deux mois après ma campagne de pression.» Quant à Jay Clayton, le procureur fédéral de Manhattan, il n’a pu fournir aucune justification à Maurene Comey.

«Tout ce que je peux dire, c’est que cela vient de Washington. Je ne peux rien vous dire de plus», lui a-t-il déclaré selon la plainte déposée que cite le New York Times . Trois mois plus tôt, ce même Clayton lui avait pourtant attribué une évaluation «exceptionnelle» . En réalité, tout porte à croire que l’animosité de Donald Trump à l’égard Maurene Comey est liée à la rancœur qu’il entretient pour son père James Comey.

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«En réalité, il n’existe aucune justification légitime. Ils l’ont licenciée uniquement - ou principalement - en raison du fait que son père est l’ancien directeur du FBI, James Comey, ou en raison de ses opinions et affiliations politiques supposées, ou des deux», lit-on dans l’assignation au civil portée par Maurene Comey devant un tribunal de New York.

L’ombre du père

Une source proche du dossier a confié à CNN qu’«être une Comey était intenable dans cette administration». Pour comprendre le conflit qui oppose Donald Trump à James Comey, il faut remonter à 2016. Le camp Trump reproche cette année-là au FBI de n’avoir pas engagé de poursuites contre Hillary Clinton et d’avoir classé cette affaire en juillet 2016, avant que celle-ci ne ressorte plusieurs mois plus tard pendant l’élection présidentielle américaine.

Quelques mois plus tard, en janvier 2017, James Comey informe le président élu et fraîchement investi que la Russie détient à son sujet des informations embarrassantes et intimes. Ce que Trump lui-même a longtemps mis en doute. Puis, en mars, il confirme à Donald Trump qu’une enquête portant sur de possibles liens entre le gouvernement russe et des personnalités de son équipe a été ouverte par le FBI.

La faute de trop ? Peut-être bien. En mai de la même année, Donald Trump limoge James Comey. Lequel affirmera, après coup, avoir subi des pressions de la part du président américain. L’ex-patron de la police fédérale affirmera notamment que le locataire de la Maison-Blanche lui a demandé d’abandonner l’enquête sur Michael Flynn, son ancien conseiller à la sécurité nationale, mêlé au dossier russe lors de l’élection présidentielle.

L’ancien directeur du FBI, James Comey, témoigne devant la commission spéciale du Sénat américain sur le renseignement au Capitole à Washington, le 8 juin 2017. Saul LOEB / AFP

Contre-attaque

De son côté, sa fille Maurene Comey n’a pas dit son dernier mot. Lundi 16 septembre, elle a contre-attaqué en portant plainte contre l’administration Trump. Elle conteste le pouvoir présidentiel de licencier des magistrats sans motif ni procédure. «Si un procureur de carrière peut être licencié sans motif, la peur pourrait influencer les décisions de ceux qui restent», a-t-elle écrit dans son message d’adieu.

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Son avocate, Ellen Blain, a déclaré sur CNN que sa cliente défendait non seulement ses droits personnels mais aussi ceux de tous les fonctionnaires fédéraux. La plainte demande sa réintégration et le paiement de ses arriérés de salaire.