Droits de douane : "Il y a tellement de divergences entre les deux camps que tout reste encore à négocier", assure Stéphanie Yon-Courtin, eurodéputée Renaissance
Alors que les tensions se renforcent en Europe autour de l'accord conclu par Ursula von der Leyen et le président américain, la hausse des droits de douane sur les produits européens exportés aux États-Unis est sur les rails outre-Atlantique. Donald Trump a d'ores et déjà signé l'un de ses fameux décrets entérinant les surtaxes qui viseront des dizaines de pays dans le monde, dont la France à partir du 7 août. Peut-on encore faire machine arrière ? Pour en parler, l'eurodéputée Renaissance et conseillère régionale de Normandie, Stéphanie Yon-Courtin, est l'invitée de Florence O'Kelly, dans "La Matinale" du 1er août.
Ce texte correspond à la retranscription d'une partie de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.
Florence O'Kelly : Les surtaxes de Donald Trump sur les produits européens vont entrer en vigueur le 7 août. "Ce n'est pas la fin de l'histoire", a déclaré François Bayrou jeudi. Peut-on vraiment négocier un traité qui vient d'être signé ?
Stéphanie Yon-Courtin : Pour moi, ce n'est pas un traité qui a été négocié, ce n'est même pas un accord, c'est plutôt un ensemble d'engagements politiques, dont on voit, qu'en fait, il y a encore énormément de zones d'ombre. Vous l'avez dit, il y a a priori des grands gagnants, vous avez parlé de l'aéronautique, de grands perdants, notamment peut-être avec les parfums et la cosmétique... Mais il y a énormément de zones d'ombre, et l'on voit énormément de divergences entre ce qui est dit à Washington et ce qui est dit, entre guillemets, à Bruxelles au niveau de la Commission européenne et de sa présidente, Ursula von der Leyen. Donc je dirais que finalement, il y a tellement de divergences entre les deux camps que tout reste encore à négocier. Le diable est dans le détail, et l'on voit que, quelle que soit la filière dont on parle, cela reste une source énorme de divergences et d'appréciations. C'est le cas de l'acier, de l'aluminium, également de l'agriculture, où l'on a des détails très différents en fonction des filières et des secteurs concernés.
Ce qu'on a du mal à comprendre, c'est comment on peut en être à dire qu'on va négocier, alors que ça fait des mois qu'on l'entend déjà. Il était question de taxer les services américains, au final on n'a pas utilisé cette martingale. On nous dit aujourd'hui : "attendez, ce n'est pas fini", mais ça y est, c'est signé.
D'abord, je pense qu'il n'y a pas eu de signature, à mon sens, il n'y a pas eu de négociation. Du côté de Donald Trump uniquement, mais on voit bien qu'il varie très régulièrement sur ce qu'il dit. Et donc, il y a évidemment une signature avec une espèce d'accord de principe, qui finalement aborde la coopération. Et, effectivement, sur certains secteurs, on voit que ça l'arrange aussi énormément d'exempter tout ce qui est aéronautique, et ça tombe bien pour nous, pour notre filière, notamment avec Airbus. Mais au-delà de ça, il y a encore énormément, je l'ai dit, de zones d'ombre. Sur le numérique, rien n'est encore décidé puisque cette semaine encore, le secrétaire d'État au commerce américain disait que tout ce qui était technologique était encore sur la table. Je peux vous dire que ça m'inquiète énormément, puisque la plupart, et on le sait, des géants du numérique sont américains et tentent de nous faire plier sur les réglementations que l'on a prises au niveau européen pour les encadrer. C'est un gros sujet d'attention.
"Des intérêts nationaux ont prévalu en fonction des filières"
Pour rester sur ces surtaxes, François Bayrou dit qu'on a été un peu seuls dans ce combat au niveau français. Ce que les Français entendent lorsqu'on leur dit ça, c'est que l'Europe ne défend pas leurs intérêts. Ça vous inquiète pour la suite de l'UE ?
Il faut savoir de qui on parle. Quand on est eurodéputés, on défend notre pays, on défend les citoyens qu'on représente, et, en tout, c'est 450 millions de citoyens européens. Effectivement, au niveau des États membres, comme l'a rappelé le Premier ministre, je pense qu'il y a d'abord des intérêts nationaux qui ont prévalu en fonction des filières, c'est certain. Donc il faut éventuellement rediscuter, il faut que les États membres au sein du Conseil de l'Union européenne rediscutent. De toute façon, ils vont avoir à valider et à donner leur accord sur ce deal, mais également au niveau de la Commission européenne. Sa présidente, Ursula von der Leyen, devrait s'affirmer davantage. Il n'y a pas eu de négociations sur la forme comme sur le fond. Sur la forme, aller, entre guillemets "dealer", dans le magnifique resort de golf en Écosse de Donald Trump, ne pas aller discuter dans des endroits beaucoup plus professionnels et neutres, montre à quel point, déjà, il y a une forme de soumission. C'est de l'humiliation pour l'Europe. Je pense donc qu'Ursula von der Leyen devrait davantage s'affirmer comme représentante des intérêts de l'Europe. Au niveau du Parlement européen, on est très nombreux à dénoncer le fait qu'il y a un manque de leadership, d'accepter de dealer avec cette espèce de vassalisation, où, d'ores et déjà, on est en train d'annoncer la couleur alors qu'il y a énormément de divergences.
"La question de la responsabilité d'Ursula von der Leyen sur cet accord va se poser"
Ursula von der Leyen, qui est très contestée, pour vous, elle doit partir ? S'il y a une nouvelle motion de censure, votre parti Renaissance ne l'a pas votée la dernière fois, vous la voterez ?
On est nombreux à ne pas l'avoir votée, parce que la motion de censure était dirigée vers des faux sujets, des sujets qui pour nous étaient des sujets de complotisme. C'était une question sur les vaccins, et le fait qu'elle n'aurait pas été assez transparente, ce qui, pour nous, était sans objet lors du précédent mandat, pendant le Covid. Maintenant, la question de sa responsabilité sur cet accord va effectivement se poser. Accord qui, je l'ai dit, doit encore être ratifié par les États membres, sur lequel le Parlement européen devra échanger, et devra donner notre accord.
Vous allez voter sur l'accord, c'est ce que vous nous dites...
Oui, on va demander à voter sur l'accord, mais on ne sait pas encore quelle forme juridique cet accord va prendre au niveau européen, parce que, pour signer, il faut être deux. Or, on voit que du côté de Washington, Donald Trump a signé son propre accord, ce qui n'est pas forcément le nôtre puisque, je vous l'ai dit, il y a énormément de zones d'ombre. Et notamment, moi qui viens de Normandie, la question des spiritueux avec le calvados se pose, la question également des secteurs agricoles se pose, la question de l'acier, de l'aluminium... Je voulais rappeler aussi la question de la technologie et du numérique, où il n'est pas très clair que ces secteurs soient complètement exemptés de l'accord.