«Un basculement entre deux mondes»: à l’Assemblée, vifs débats sur la guerre en Ukraine

François Bayrou à l’Assemblée. Photo by Eliot Blondet/ABACAPRESS.COM Blondet Eliot/ABACA

Gouvernement et députés se sont exprimés, dans un débat sans vote, sur le conflit russo-ukrainien et l’explosive situation internationale.

Passer la publicité

Le climat de fortes tensions internationales s’est invité, lundi après-midi, à l’Assemblée nationale. À l’occasion d’un débat sans vote, convoqué par le gouvernement au titre de l’article 50.1 de la Constitution, le premier ministre, François Bayrou, a pris la parole à la tribune du Palais Bourbon pour faire une déclaration sur la situation en Ukraine et sur la sécurité de l’Europe. Dans un contexte de frictions inédit, après la très médiatique altercation entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky vendredi dernier à la Maison-Blanche, le chef de gouvernement a évoqué une « situation historique », « la plus grave, la plus déstabilisée et la plus dangereuse de toutes celles que notre continent ait connue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ».

Dans une ambiance grave, le premier ministre est ensuite longuement revenu sur la guerre qui oppose, depuis février 2022, la Russie et l’Ukraine. En insistant, en introduction, sur la « scène sidérante, marquée de brutalité, de volonté d’humiliation » des échanges entre les présidents américain et ukrainien en fin de semaine dernière. « Le but était de faire plier par la menace l’Ukraine. Pour l’honneur de l’Ukraine et de l’Europe, le président Zelensky n’a pas plié », a martelé François Bayrou sous les applaudissements de toutes les forces politiques de l’Assemblée nationale, excepté les troupes de Marine Le Pen.

Réaction attendue de Marine Le Pen

Sous le regard de l’eurodéputé Raphaël Glucksmann, présent dans les tribunes visiteurs pendant presque toute la durée des prises de parole, le premier ministre a également décrit un « basculement entre deux mondes aux conséquences planétaires », dénonçant l’émergence dans le monde de « forces tapies dans l’ombre » telles que « l’esprit de domination, l’impérialisme militaire, la volonté d’asservir l’autre et le culte de la force ». Et de lister les « forces » européennes comparées aux Russes et aux Américains, comme son nombre total d’habitants ou son produit intérieur brut (PIB). « Nous, les Européens somme plus forts que nous le croyons. Nous nous comportons comme si nous étions faibles », a-t-il notamment lancé, avant d’être applaudi timidement des bancs des Républicains à ceux du Parti socialiste.

Nous ne pouvons pas promettre à l’Ukraine une adhésion à l’Otan, et une adhésion à l’Union européenne irait à l’encontre de nos intérêts et provoquerait la ruine de nos agriculteurs

Marine Le Pen

À sa suite, chaque mouvement politique représenté à l’Assemblée nationale a pu s’exprimer sur le sujet. L’intervention de Marine Le Pen, dont le groupe s’était notamment abstenu l’an dernier sur le débat avec vote concernant le traité d’aide à l’Ukraine, était attendue. Elle s’est déroulée sous les attaques incessantes des députés macronistes, qui n’ont cessé de tempêter contre les « incohérences » de la présidente du groupe RN. « Bien sûr que la France a eu raison de soutenir l’Ukraine », a introduit la double finaliste à l’élection présidentielle tout en dénonçant les « coups de mentons dépourvus d’effets » de certains dirigeants français.

« Nous ne pouvons pas promettre à l’Ukraine une adhésion à l’Otan, et une adhésion à l’Union européenne irait à l’encontre de nos intérêts et provoquerait la ruine de nos agriculteurs », a-t-elle ensuite argumenté. Et de s’en prendre au président de la République, qui s’est longuement confié lundi sur ses « pistes » pour pousser au « réveil » européen. Le chef de l’État est selon elle coupable de « virevoltes », « de grand écart » et de « politique de gribouille peu lisible » sur le conflit ukrainien en renouvelant sa forte opposition à l’idée d’une « chimérique défense européenne ». « Partager notre dissuasion nucléaire, c’est l’abolir », a-t-elle également tempêté.

Défilé de prises de parole

Son allié de l’Union des droites pour la République (UDR) Éric Ciotti s’en était d’ailleurs également pris, un peu plus tôt, au chef de l’État, déplorant un « en même temps diplomatique » qui « affaiblit » la France. « En trois ans, le président Macron a dit tout et son contraire. (…) L’Europe bricole une Union européenne de la défense alors que la guerre ne peut être gagnée sans l’Amérique », a-t-il soutenu, sous les vives protestations du camp macroniste et de la droite LR, son ancienne famille politique.

L’Amérique du président Trump n’est plus notre alliée

Boris Vallaud

L’ancien premier ministre macroniste, Gabriel Attal, a lui aussi pris la parole, décrivant un « point de bascule » de l’Histoire. « L’Europe est en danger. L’appétit du Kremlin est insatiable. (…) De l’issue de cette guerre dépendra une part de notre avenir. (…) Une victoire de la Russie aurait des conséquences dévastatrices », a par exemple évoqué le président des députés Renaissance, citant notamment « une inflation puissance 10 ». Et de tancer « l’instinct capitulard » de Marine Le Pen, se « permettant de donner des conseils en géostratégie alors qu’elle proposait une alliance en matière de défense avec la Russie pendant l’élection présidentielle ».

« L’Amérique du président Trump n’est plus notre alliée », a de son côté lâché le président du groupe socialiste, Boris Vallaud. Et ce défilé des prises de parole s’est ainsi poursuivi jusqu’en début de soirée, chacun donnant sa position sur cette guerre qui menace de s’étendre. Et qui inquiète toute la classe politique.