C’est bien la peine. En Sicile, les parrains en cavale sont obligés de vivre comme des rats. Ils ont des milliards à la banque (des tonnes de cadavres sur la conscience aussi, s’ils en ont une) et ils se cachent dans l’appartement d’une veuve, réfugiés derrière une bibliothèque coulissante, prenant rarement l’air sur la terrasse en douce. Vous parlez d’un succès ! Tous ces morts pour ça. Tel est le cas de Matteo, recherché par la police de l’île depuis des décennies. Heureusement, la corruption règne à tous les niveaux. Cela permet aux services secrets de soudoyer un homme politique qui sort de prison. Ce Palumbo a perdu tous ses mandats. Adieu à la mairie, une croix sur le conseil municipal.
Quand on pense qu’il a même été proviseur du lycée ! Il se trouve que le mafieux traqué est son filleul. La ruse consistera à lui adresser des lettres pour le piéger. Un jeu du chat et de la souris se met en place. L’épistolier amateur soigne son style ; ses mots font attention où ils posent les pieds. Il s’agit de flatter, mais pas trop. Il ne faut pas que le destinataire se doute de la manœuvre. N’est pas Mme de Sévigné qui veut. Fabio Grassadonia et Antonio Piazza (Salvo) sont en terrain familier. Les mœurs locales n’ont pas l’air d’avoir beaucoup changé.
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Médiocrité des protagonistes
On perçoit surtout la médiocrité des protagonistes. Palumbo a les traits de Toni Servillo, avec les cheveux qui lui restent teints en roux et une mèche rabattue sur le crâne à la Giscard. Il porte des survêtements Adidas, comme un retraité de Romorantin. Il n’est pas interdit d’avouer - ô sacrilège - que cet acteur révélé par Sorrentino commence à nous fatiguer un peu, avec son éternelle mine à la Droopy, son fameux regard qui n’en pense pas moins, ses soupirs évidemment désolés. Le filleul (Elio Germano) arbore des Ray Ban aviateur, croyant sans doute que ces lunettes sont toujours à la mode. Il dicte ses missives à sa secrétaire en arpentant le salon aux rideaux tirés. Elle le reprend parfois sur une tournure.
Il n’apprécie qu’à moitié. Cette histoire d’infiltré - encore une - ne se caractérise pas par une énergie débordante, se perd en flash-back. Les symboles ne sont pas légers, légers. Ah, cette statue d’éphèbe antique qu’on se repasse de génération en génération, ce fantôme du père qui voudrait évoquer Hamlet ! Pour quelqu’un de plongé dans une affaire pareille, l’ancien détenu ne semble pas très discret. Il se promène dans les rues presque en sifflotant, entre au commissariat comme s’il poussait la porte du supermarché. La Mafia n’est vraiment plus ce qu’elle était, alors !
Les esprits mal placés se consoleront en voyant que le gendre de Servillo est le parfait sosie de Macron, détail assurément fortuit. Il y a aussi ce chantier d’hôtel abandonné au milieu de nulle part qui incarne les rêves de grandeur perdue et ce puzzle géant représentant la Sicile. Il lui manque une pièce. C’est, en gros, le défaut du film. Bien à vous.
La note du Figaro : 2/4