Les caméras dopées à l’IA, nouvel outil des supermarchés contre le vol
Après la voie publique, les caméras intelligentes vont-elles également conquérir les supermarchés ? Lors des Jeux de Paris 2024, ces outils dopés à l’IA ont été utilisés avec succès par la Préfecture de police dans une dizaine de sites d’épreuves. Tirant un «bilan positif» de cette expérimentation, selon les mots du préfet de Police de Paris, Laurent Nuñez, le ministère de l’Intérieur souhaite aller plus loin, a appris Le Figaro, confirmant les informations de FranceInfo.
Les forces de l’ordre ne sont pas les seules à être intéressées par ces caméras intelligentes, capables de «détecter les flux et les mouvements anormaux». Les commerces, également, se tournent petit à petit vers cette technologie pour se prémunir des vols causés par l'afflux de clients. Il faut dire qu'avec une centaine d'euros de mises en services, un abonnement mensuel allant de 200 à 3000 euros, de nombreux professionnels peuvent s'équiper...
Nommée savamment vidéosurveillance algorithmique (VSA), la technologie permet d’automatiser le traitement des images d’une caméra. Concrètement, cela fonctionne par un logiciel branché au système de vidéosurveillance classique. Sur la base d’une quinzaine de comportements prédéfinis, le logiciel envoie des alertes par téléphone, dès qu’il repère un mouvement suspect. Impossible de mettre un article dans un sac, de consommer un produit, ou encore d'enlever un antivol en toute discrétion. Le logiciel peut même être programmé pour prêter une attention accrue à certains rayons. Si la ruse humaine dépasse la technologie, de nouveaux comportements peuvent être rentrés comme suspect dans l'algorithme du logiciel. «Nous avions été alertés sur la possibilité de dissimuler des articles dans les poussettes», illustre Benoît Koenig, cofondateur de Veesion, leader de la vidéosurveillance algorithmique en France.
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Faire des économies pour les gérants
Pour les grandes surfaces, l’enjeu est de taille. Tous les six mois, les gérants de supermarchés découvrent l’ampleur des dégâts du vol, au moment de faire l'inventaire de leurs produits. La «démarque» - la différence entre leur stock réel et leur stock théorique - causée notamment par le vol à l’étalage peut une perte non-négligeable pour les magasins, pesant dans leur résultat final. Veesion promet à ces professionnels une réduction de 60% de ces pertes.
De leur côté, certains magasins ayant adopté cette technologie se disent satisfaits. Au-delà de l'aspect financier, Nassim, responsable d'un Franprix à Montrouge, a recours à la technologie pour son «propre confort». Le logiciel de Veesion lui permet de ne pas tomber dans «le flicage» et permet à ses salariés de se concentrer sur des «tâches plus essentielles». Il a ainsi interpellé davantage de clients en flagrant délit, et dès que deux ou trois voleurs se font prendre, «le mot tourne, et les malfrats changent de destination», remarque-t-il. D'autres ont fait des économies sur les salaires dédiés à la sécurité, comme ce gérant d'un supermarché de Saint-Denis, qui explique avoir besoin d'un agent de moins, remplacé par les caméras.
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Une technologie strictement encadrée par la loi
La technologie reste malgré tout limitée : comme le prévoit la loi, les clients peuvent refuser la vidéosurveillance algorithmique à l'entrée d'un magasin. «Après, c'est l'humain qui prendra le relais et nous allons particulièrement surveiller ces personnes-là», témoigne un des commerçants interrogés.
Le législateur veille de près sur ces nouvelles pratiques. En France, toute nouvelle technologie doit trouver un équilibre avec «la protection des libertés individuelles et le droit des personnes», résume le docteur en droit Cyril Aufrechter. En l'espèce, la vidéo de surveillance algorithmique est strictement encadrée par le fameux RGPD, et la loi informatique et liberté. Pour interpréter ces textes, la CNIL s'est fendue de strictes recommandations. Il faudra préférer «les dispositifs les moins impactant pour les droits et libertés des personnes», et le législateur devra empêcher une «multiplication désordonnée» de ces logiciels, car ils «modifieraient notre rapport à l'espace public». Après l'annonce de sa généralisation, le ministère de l'Intérieur examine les moyens de faire entrer le recours à la vidéosurveillance algorithmique dans le droit commun. «La nécessité d'une loi est incontournable», rapporte-t-on place Beauvau.