Pour la première fois de leur histoire, les Restos du Cœur achètent un bien immobilier
C’est une grande première pour les Restos du Cœur. L’association qui vient en aide aux plus démunis devient propriétaire. Si elle l’était déjà par des donations, elle n’avait jamais franchi le cap d’investir. Cette nouveauté est en train de se concrétiser à Nantes, où une «Maison du Cœur» ouvrira début 2026. Coût de l’opération : 2 millions d’euros, dont 900.000 euros pour les bâtiments et le reste pour de gros travaux qui devraient débuter en janvier 2025. Ce projet abritera à la fois un centre de distribution alimentaire, ainsi qu’un accueil de jour pour les femmes précaires et de temps en temps les enfants.
1000 mètres carrés
«C’est un projet qui a trois ans», rembobine Jean-Michel Griffon, responsable des Restos du Cœur en Loire-Atlantique. En 2019, l’un des grands centres nantais de distribution alimentaire a fermé. À la place, il a été décidé de chercher deux autres centres «moyens» pour le remplacer. Si l’un a été trouvé depuis, le deuxième manquait toujours à l’appel. Un emplacement était donc toujours recherché dans le quartier prioritaire de Bellevue, le long du tram. En parallèle, l’accueil de femmes installé à Nantes, dont la capacité est de 40 places, en recevait souvent le double. «On avait ça en tête. Et un jour, une agence nous appelle en disant qu’ils ont un grand local. On s’est dit qu’on allait tout faire au même endroit», résume Jean-Michel Griffon, à propos de ce projet inédit qui s'étend sur 1000 mètres carrés, dans le quartier Bellevue, à la place d’un ancien restaurant.
Une fois l’idée de réunir les deux activités lancée, le représentant départemental s’est tourné vers le siège national. «J’ai demandé officiellement à Paris de réfléchir à un achat car le loyer était assez fort. Or, comme le site n'avait pas été utilisé depuis une dizaine d’années, je me suis dit que le propriétaire était peut-être vendeur». Ce qui était le cas. Présentée en assemblée générale devant tous les directeurs des Restos du cœur de France, cette acquisition a récolté plus de 90% de voix favorables.
On sait maintenant qu’on est là pour un paquet de temps, ce qui a fait bouger les mentalités
Jean-Michel Griffon, responsable des Restos du Cœur en Loire-Atlantique
«C’est le premier achat officiel fait par les Restos du Cœur», résume le président de l’association du 44. Initialement, «quand Coluche lance en 1985 le premier Resto du Cœur à Gennevilliers, l’idée est de faire ça un hiver et de disparaître», raconte-t-il. D’où l’idée de louer. Mais finalement, le dispositif est reconduit. Pendant longtemps, «chaque année, les Restos pensent que ça sera la dernière année. On sait maintenant qu’on est là pour un paquet de temps, ce qui a fait bouger les mentalités».
Au niveau national, l’association réfléchit à d’autres achats immobiliers pour des missions sociales, seulement s’il y a un avantage sur le long terme. De plus, «si on achète des locaux, c’est seulement avec de l’épargne solidaire et pas avec la solidarité des donateurs», précise au Figaro le service presse national des Restos du Cœur.
Pour le financement de la Maison du Cœur, qui s’opère à travers une foncière solidaire, les Restos du Cœur peuvent compter sur la Région Pays de la Loire qui en 2022 leur a octroyé une participation de 600.000 euros. SUPERBLOOM, un fonds de dotation familial français créé par un entrepreneur nantais, leur verse 100.000 euros. Il faudra également recruter une centaine de bénévoles.
En 2025, l’association départementale compte aussi rénover la «Maison de Coluche», ce centre d’hébergement d’urgence en relation avec le 115, à Nantes, qui affiche complet presque tous les soirs. Si elle est locataire, elle étudie toutefois les possibilités pour optimiser l’accueil qui ne diminue pas. De manière générale, les familles monoparentales sont plus nombreuses, «surtout les mamans avec des bébés, ainsi que les travailleurs pauvres», constate Jean-Michel Griffon, en indiquant partager cette observation avec ses homologues d’autres associations caritatives. Selon le baromètre annuel de la pauvreté d’Ipsos et du Secours Populaire, «le seuil de pauvreté subjectif moyen, qui permet de mesurer la perception des Français sur le niveau de vie en dessous duquel une personne peut être considérée comme pauvre atteint cette année un nouveau record» : il est de 1396 euros, soit 19 euros de plus qu’en 2023.