Ni pro-Macron, ni NFP : un «collectif social-démocrate» apparaît à l'Assemblée en attendant l’après-Barnier

Prenez une quinzaine de députés et munissez-les d'une ligne idéologique commune : vous aurez un groupe parlementaire à part entière. Retirez chez certains l'envie de se séparer de leur famille politique d'origine, notamment par peur de perdre de prochaines élections : vous n'aurez qu'un collectif informel.

Faute de structuration plus aboutie, un «collectif social-démocrate» s'organise à l'Assemblée nationale. Ni pro-Emmanuel Macron, ni compatible avec La France insoumise (LFI). Ses responsables ont annoncé sa naissance mercredi 23 octobre, devant la presse, afin de «s'inscrire dans une cohérence» face à «l'incohérence qu'on perçoit dans le bloc central», dixit Stella Dupont, députée ex-Renaissance. Comprendre : face à un camp qui s'est droitisé à leurs yeux, en s'alliant dans la douleur avec Les Républicains (LR), derrière Michel Barnier.

En guise d'initiative fondatrice, ces représentants du centre gauche ont formulé des propositions communes sur la «justice fiscale» et «sociale», sous la forme d'une dizaine d'amendements déposés pour modifier le projet de budget 2025. Le fruit des premières réunions de travail qu'ils tiennent chaque mercredi matin, à l'Assemblée nationale. Parmi leurs mesures suggérées : une surtaxation des transactions financière et des revenus du capital, afin de «mieux répartir l'effort», mais «sans matraquage fiscal», explique Stella Dupont.

Le lancement de ce «collectif», encore embryonnaire, intervient après presque quatre mois de pourparlers entre ex-macronistes issus de la gauche, à commencer par Sacha Houlié, et des parlementaires socialistes anti-Nouveau Front populaire (NFP). Les quinze signataires des amendements ont été recrutés chez les députés non-inscrits et dans quatre groupes parlementaires : Ensemble pour la République (EPR), dont la porte-parole Eléonore Caroit et son collègue Belkhir Belhaddad, le Mouvement démocrate (MoDem), le Parti socialiste (PS) et l'attelage hétéroclite Liot.

Mais l'ambition de ces parlementaires dépasse le seul budget 2025. Il s'agit de préparer l'après-Barnier, au cas où. «Il est temps de reconstituer cette gauche de gouvernement qui est la réponse que les Français attendent», appuie l'ancien socialiste David Habib, convaincu qu'«il n'y a pas de destin pour la gauche aux côtés de LFI». Cette ligne sociale-démocrate doit «incarner une alternative quand le gouvernement de Michel Barnier tombera», enchérit Sacha Houlié, «puisqu'il tombera bien un jour».

«Dépassement» gauche-droite révolu

Encore faudrait-il que les membres du «collectif» s'accordent sur leur positionnement vis-à-vis de Michel Barnier. «S'ils sont constructifs, c'est très bien, juge le député (Renaissance) François Cormier-Bouligeon. Si c'est pour être un groupe d'opposition, ils seront inutiles voire néfastes.»

Seuls une partie d'entre eux ont voté, en vain, la motion de censure du 4 octobre visant à renverser le gouvernement. Principalement les socialistes en rupture de ban - David Taupiac, Martine Froger, David Habib et Laurent Panifous - ainsi que Dominique Potier, encore membre du groupe PS. Sacha Houlié, lui, avait confié à Michel Barnier ses regrets de ne pas avoir soutenu la censure, lors d'une visite du premier ministre sur ses terres de la Vienne, le 8 octobre. Désormais, il se dit membre d'un «groupe d'opposition».

Signe de leurs affinités sociales-démocrates, plusieurs élus du «collectif» ont participé mardi soir, dans les salons de la questure du Sénat, à la réception organisée autour de Bernard Cazeneuve. Un ex-premier ministre socialiste que beaucoup projettent toujours à Matignon, en remplacement de Michel Barnier. Leurs autres personnalités de référence s'appellent Carole Delga, présidente PS de la région Occitanie ; Karim Bouamrane, maire socialiste de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) ; ou encore Raphaël Glucksmann, eurodéputé Place publique.

Les députés prévoient de les associer à leurs travaux, en attendant de nouveaux ralliements encore incertains. Notamment à l'approche de la présentation de la loi immigration du ministre LR de l'Intérieur, Bruno Retailleau, figure repoussoir pour les députés de l'aile gauche du camp présidentiel. Pour les attirer, leurs anciens collègues macronistes veulent les convaincre que le «dépassement» des clivages gauche-droite, cher à Emmanuel Macron, est révolu. «Le “dépassement” trouble et perd tout le monde en définitive, tranche Stella Dupont. Il faut revenir à quelque chose de clair.»