Venezuela : libération de détenus de la crise post-électorale

Au moins 79 personnes sur les quelque 2400 arrêtées officiellement après la réélection contestée du président vénézuélien Nicolas Maduro fin juillet ont été libérées samedi, alors que le parquet promet un total de 225 libérations au cours du week-end.

«Jusqu'à présent, au moins 70 prisonniers politiques ont été libérés», a déclaré le directeur de l'ONG Foro Penal, Alfredo Romero, sur les réseaux sociaux. Des journalistes de l'AFP ont assisté à la libération de neuf personnes après cette annonce. «225 détenus vont sortir» ce week-end, a indiqué une source du parquet.

Vendredi le parquet avait promis le réexamen de 225 dossiers parmi les 2400 personnes arrêtées lors des troubles qui ont suivi la proclamation de la victoire de Nicolas Maduro par le Conseil national électoral, considéré aux ordres du pouvoir. L'opposition crie à la fraude et revendique la victoire de son candidat Edmundo Gonzalez Urrutia. Les États-Unis, l'Europe et de nombreux pays d'Amérique latine ne reconnaissent pas la deuxième réélection de Nicolas Maduro.

Le bilan des violences post-électorales s'établit à 28 morts et près de 200 blessés, selon le procureur général Tarek William Saab. «Je me sens un peu perdu après une si longue période d'incarcération... Je me sens en paix (...) (Les trois mois) ont été assez durs, j'avais la foi que nous allions sortir parce que nous sommes tous innocents», affirme à l'AFP Andres Galea, 31 ans, serveur et vendeur, un des libérés de la prison de Yare III à une centaine de kilomètres de Caracas.

Accompagné par sa mère en pleurs, il a été applaudi par la centaine de personnes qui attendait sa libération depuis le matin. Dès les premières heures du jour, des rumeurs de libérations prochaines ont amené des dizaines de proches de détenus devant les prisons. «Le niveau d'angoisse ne baisse pas! Tant qu'ils ne sont pas en liberté, je ne peux pas dire qu'ils sont libres. C'est la pire chose qui soit arrivée à notre famille. La pire (...) Ça a été dur. Et ça touche beaucoup de personnes, dehors comme dedans. Nous sommes tous des mères», affirme Nelia Olivares, proche de trois personnes écroués: son beau-frère et ses deux neveux.

«Nous sommes venus aujourd'hui parce que nous en avons entendu parler sur les réseaux sociaux», a expliqué à l'AFP Alexandra Hurtado, 47 ans, devant Yare III, vêtue d'un T-shirt où sont imprimés une photo de son fils, Oscar Escalona, 23 ans, et le slogan: «Ce n'est pas un terroriste, il est innocent». Devant la prison pour femmes de Las Crisalidas (également près de Caracas), un groupe attend.

«Ces quatre mois ont été horribles, voir ma fille pleurer (...) je lui disais que maman allait revenir», raconte à l'AFP Junior, un cuisinier de 34 ans, qui a préféré ne pas donner son nom de famille, dans l'attente de savoir si sa femme allait être libérée.

«Conditions inhumaines»

«S'il y a des cas à rectifier et à réexaminer, c'est aussi pour que justice soit faite (...) au cas où il y aurait eu une sorte d'erreur de procédure», avait déclaré le président Maduro lundi, indiquant que la justice allait examiner de nouveaux dossiers. Des centaines de familles ont organisé ces dernières semaines des manifestations pour demander la libération de leurs proches.

L'opposition dénonce régulièrement les conditions «inhumaines» de détention des personnes arrêtées. Jeudi, un militant de l'opposition est mort en prison. La veille, sa famille avait dénoncé le mauvais état d'une jambe, nécrosée. Foro Penal a fustigé jeudi une «crise répressive» au Venezuela «avec ce chiffre énorme de 1.976 prisonniers politiques», contre 305 avant la présidentielle du 28 juillet.

«Nous parlons du plus grand nombre de prisonniers politiques du XXIe siècle, du plus grand nombre de prisonniers politiques de tout le continent américain», avait alors déclaré à l'AFP M. Romero. Depuis la réélection contestée du président Maduro, Edmundo Gonzalez Urrutia s'est réfugié en Espagne et la cheffe de l'opposition, Maria Corina Machado, vit dans la clandestinité.