Notre critique de La Trilogie d’Oslo: Amour, la profusion des sentiments
Une chose est sûre : il va falloir retenir son nom. La tâche n’est pas aisée. Répétez donc après nous. Dag Johan Haugerud. Après Rêves la semaine passée, avec Amour aujourd’hui (et on attend Désir pour mercredi prochain), le doute n’est plus permis. Ce cinéaste norvégien va compter. Joachim Trier a désormais un concurrent sérieux. Oslo constitue toujours le décor. On va bientôt fêter le centenaire de la ville. En prévision de l’événement, une visite est organisée pour les touristes. La guide leur assène un discours assez hilarant sur les monuments historiques, commente les fresques avec tous les poncifs woke du moment, transformant le parcours en éloge de l’amour libre à travers les âges.
L’héroïne est oncologue. Marianne (sosie nordique d’Ariane Ascaride) n’a ni mari ni enfants. Côté cœur, elle a un peu baissé les bras. Sur le ferry, elle rencontre Tor, qui drague les autres passagers, se connecte à des sites spécialisés. Cet infirmier au physique de Viking n’en fait pas toute une affaire. Marianne devrait en prendre de la graine. Sur l’île, elle croise des amis, une famille. On monte sur le toit de la maison pour admirer le paysage. Elle n’est pas insensible à certains des autres invités - tiens, ce géologue barbu par exemple. Pendant ce temps, à l’hôpital, le psy du premier volet est atteint d’un cancer de la prostate.
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Passer la publicitéLes allers et retours en bateau rythment cette chronique d’une délicatesse infinie. Des couples se forment. Ils dureront ou pas. Quelle importance ? L’éventail est large. Les sentiments se conjuguent au pluriel. L’aide-soignant accompagne le malade, lui prodigue soins et tendresse. La tumeur provoque des problèmes d’érection et autres. Marianne s’offre sans se donner vraiment. Elle en a vu d’autres. Des moments de grâce, de petites épiphanies ponctuent cette histoire d’adultes, ce kaléidoscope d’émotions, comme ce bain de minuit dans le port.
Une ferme sobriété sur le ton de la confidence
Cela procède par glissements progressifs (Robbe-Grillet est prié de rester là où il est, SVP), sur le mode mineur. Le quotidien flotte dans une lumière voilée, presque ensoleillée. Les destins se frôlent comme des navires dans un fjord. Les différences ne comptent pas tant que ça. Haugerud - vous voyez, on y arrive - mène son affaire avec une ferme sobriété, sur le ton de la confidence. Il nous ramène sur la terre, fournit une grande leçon de style, d’autant plus efficace qu’elle est discrète, calme sans être plate. Il possède l’art du portrait, décrit des professions.
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Le résultat ne sent pas la thèse. C’est d’un repos. Ce film nocturne, musical, chuchoté brûle à feu doux, grise comme un vin de neige. L’amour, qu’est-ce que c’est ? Gros débat. Vaste question. Le metteur en scène y répond à sa façon, avec élégance. Peut-être qu’il sert à cacher la mort. Ça ne serait déjà pas si mal. En tout cas, on piaffe d’impatience. Vivement mercredi prochain. Le tableau sera complet et le nom de Dag Johan Haugerud sur toutes les lèvres.
La note du Figaro 3/4