Notre critique de Didi : les 400 coups d’un gamin californien

Notre critique de Didi : les 400 coups d’un gamin californien

Chris (Izaac Wang) et Madi (Mahaela Park) dans Didi réalisé par (Sean Wang) Courtesy of Focus Features / Talking Fish Pictures, LLC. 2024 All Rights Reserved.

Remarqué au Festival de Sundance, ce film en partie autobiographique retrace l’incertitude et les petites humiliations de l’entrée dans l’adolescence. Tendre, vrai et doux-amer.

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Les 400 Coups, Seize bougies pour Sam, Stand by Me, Lady Bird. Les décennies passent, les films aussi, mais l’épreuve de l’adolescence faite d’incertitude, d’autosabotage et de petites humiliations reste la même. Comme le raconte avec beaucoup de tendresse et de simplicité le récit d’apprentissage semi-autobiographique Didi, de Sean Wang, révélation de l’édition 2024 du Festival de Sundance.

En attendant de faire son entrée au lycée, Chris, 13 ans, se laisse porter dans un été dont les heures s’étiolent. En 2008, Facebook vient juste de naître et on s’écrit encore sur la messagerie instantanée AOL. Dans la maison où vit ce gamin américano-taïwanais, il n’y en a que pour sa grande sœur, Viviane, qui part à l’université. Ces deux-là se querellent comme des chiffonniers, indifférents aux remontrances de leur grand-mère et de leur mère. Celle-ci a mis de côté ses rêves de peinture pour tenir à bout de bras le foyer en l’absence d’un père lointain, occupé à gagner sa vie à Taïwan.

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Seule échappatoire pour Chris, sa bande de copains. Mais dans les rues somnolentes de Fremont, ville de la baie de San Francisco, pas grand-chose ne se passe. Chris s’essaie au flirt avec Madi. Pour lui plaire, il prétend n’être qu’à moitié asiatique, aimer les comédies romantiques et le groupe de pop-rock Paramore. Las, le pot aux roses est vite découvert. Et avec lui les espoirs de premier baiser s’envolent. Taquiné par ses amis, Chris prend ses distances et touche à son rêve de devenir réalisateur en mettant sa caméra au service de skateurs.

Double culture

De nouveautés en expériences, le jeune héros croit débloquer le niveau qui le fera basculer dans la cour des grands, ouvrira la clé de ses aspirations, le remettra au centre du jeu, lui qui est à la marge. La seule qui le voit, sa mère, peine à le consoler. Surnommé « Didi » (« petit frère » en mandarin), Chris sent aussi sur lui le poids des attentes des siens, qui misent sur sa réussite.

Le réalisateur Sean Wang a tourné dans le quartier et la chambre de son enfance, recrutant sa grand-mère pour jouer l’aïeule grincheuse de Chris, entremêlant finement son intimité et la fiction. De l’argot à la technologie utilisée, il fabrique une étonnante capsule temporelle qui sonne juste et touche au cœur. Remarqué pour son court-métrage documentaire, nommé aux Oscars en 2023, le cinéaste de tout juste 31 ans capture le désarroi, le flou qui accompagnent l’âge ingrat. Se dessine aussi la difficulté d’être entre deux cultures, sans point de repère.

Les tribulations de Chris sont le passage obligé de familles d’immigrés et reflètent les propres souffrances de sa mère, Chungsing. Isolée, invisible, elle a tout sacrifié pour ses enfants mais s’interroge : à quoi aurait ressemblé sa vie d’artiste sans cette responsabilité ? Sean Wang confie ce beau rôle de femme tiraillée à Joan Chen. L’actrice du Dernier Empereur, de Bernardo Bertolucci, bien trop sous-utilisée par Hollywood.

La note du Figaro : 2,5/4