«Je suis officiellement un humain génétiquement modifié» : Bryan Johnson, le milliardaire qui courait après la jeunesse éternelle
Vous connaissez sûrement L’étrange histoire de Benjamin Button, ce film de 2008 dans lequel Brad Pitt incarne un homme qui rajeunit au fil du temps. C’est aussi devenu l’objectif d’un multimillionnaire. Son nom : Bryan Johnson. Depuis sa villa contemporaine de Californie, cet Américain de 47 ans met son immense fortune et son corps à rude épreuve pour retrouver le visage et la forme de ses 18 ans. Ou plus précisément, les traits de Talmage, l’aîné de ses trois enfants. Le seul qui lui adresse encore la parole aujourd’hui.
Il y a encore dix ans, Bryan Johnson incarnait le rêve américain : un homme d’affaires richissime (après la revente de sa société de paiement en ligne Braintree Venmo à PayPal pour 800 millions de dollars), marié à sa première petite amie, père de deux garçons et d’une fille, fervent pratiquant... Le genre d’entrepreneur de la tech qui séduit tant aux États-Unis. Pourtant, Bryan Johnson n’est pas heureux. Il s’épuise au travail et souffre de dépression chronique. «À l’époque de Braintree Venmo, j’avais un pied dans la tombe, lâche-t-il dans le documentaire Don’t Die : L’homme qui voulait être éternel, disponible sur Netflix depuis le 1er janvier. C’était la norme qu’un entrepreneur passe plusieurs jours sans dormir. Cela suscitait même l’admiration, on trouvait cela formidable. Maintenant je trouve que c’est absurde.»
Mal dans sa peau, mal dans son couple, mal dans sa vie, il finit par tout balayer d’un revers de main. Il quitte la religion mormone dans laquelle il a été élevé et divorce de son épouse. Depuis, il est en froid avec la mère de ses enfants, et deux d’entre eux ont rompu le contact avec lui.
Une centaine de pilules avalées par jour
Mais la nouvelle vie de Bryan Johnson démarre aussi dès 2021, avec l’aventure Blueprint. L’objectif ? Inverser le processus de vieillissement et gagner des années (en apparence, mais aussi physiologiquement). Pour toucher du doigt cet effet «Benjamin Button», Bryan Johnson ne lésine ni sur les moyens ni sur les efforts... Chaque jour, il suit scrupuleusement le protocole de longévité mis au point par un certain Dr Oliver Zolman. Une routine bien huilée qui a de quoi donner le vertige : presque une centaine de pilules avalées par jour, un régime alimentaire réduit à de simples bouillies, des légumes et quelques noix. Mais aussi des séances de luminothérapie, de casque à LED (pour favoriser la pousse de cheveux), de biofeedback (pour booster le système nerveux autonome via des électrodes dans les oreilles), de stimulation électromagnétique sur l’abdomen, d’audiothérapie (pour régénérer l’audition) ainsi que des micro-injections de Botox ou d’hormones de croissance. Ajoutez à cela un réveil quotidien à 5h30 et un coucher à 20h30, 60 minutes d’exercices de musculation et 2000 calories ingérées (il jeûne à partir de 11 heures). Rien n’est laissé au hasard. «J’ai souvent faim, concède-t-il face aux caméras. Je suis déprimé après ma dernière bouchée.»
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Seulement, le protocole draconien sembler porter ses fruits. Depuis qu’il a lancé Blueprint, Bryan Johnson aurait rajeuni de cinq ans et retrouvé le cœur d’une personne de 37 ans. C’est en tout cas ce qu’il affirme. «C’est la première fois dans l’histoire de l’humanité qu’il est impossible de savoir combien de temps et dans quel état de santé je vais vivre», se vante-t-il auprès de Chris Smith, le réalisateur du documentaire Netflix qui l’a suivi pendant plusieurs mois. «J’essaie par tous les moyens de repousser les limites de la science. De montrer ce qui est possible.» Prendre des cures de rapamycine, molécule administrée pour limiter les risques de rejet de greffe, fait partie des essais cliniques de Bryan Johnson. Ou encore cette expérience extrême, et dont le millionnaire est un adepte, qui consiste à se faire transfuser le sang et le plasma de son fils de 18 ans, Talmage. Et de donner les siens à son vieux père. Une technique qui fait évidemment débat (comme nombre de ses initiatives) et qui n’est pas sans rappeler bien des mythes et des légendes autour du fait de boire ou de se baigner dans le sang de jeunes vierges pour rajeunir...
«C’est un escroc»
Or, tout ceci n’est pas sans risque. Et surtout, la quête de jouvence de Bryan Johnson ne serait d’aucune utilité pour la science. «Malheureusement sa contribution n’a presque aucune valeur scientifique, observe le Dr Vadim Gladyshev, professeur de médecin à la Harvard Medical School, dans le documentaire Netflix. Il ne le fait pas pour la science, il est juste en quête d’attention.»
Sur les réseaux sociaux, nombreux sont d’ailleurs ceux qui pointent du doigt le comportement de Bryan Johnson. «C’est un escroc. Peu importe qu’il croie réellement qu’il va devenir immortel ou pas, il essaie de se faire de l’argent en manipulant des gens terrifiés par la mort et prêts à dépenser leur argent dans des frivolités», affirme la blogueuse et podcasteuse Rebecca Watson sur YouTube. Car au-delà de son expérience personnelle, qu’il documente chaque jour, Bryan Johnson a lancé un business qui s’avérerait juteux : des gammes de produits tirés de son protocole anti-âge. Parmi lesquels, des compléments alimentaires, des snacks et une huile d’olive extra-vierge et ultrapremium (60 dollars les deux bouteilles).
Tout le monde n’est pas de cet avis. Le journaliste Ashlee Vance, auteur d’un best-seller sur Elon Musk, connaît bien Bryan Johnson. Pour lui, le multimillionnaire ne serait ici pas motivé par des enjeux business. «Il s’est tourné vers un style de vie très draconien pour résoudre ses problèmes de santé mentale», affirme ce journaliste spécialiste des entrepreneurs de la tech.
À la recherche de l’amour éternel ?
Aujourd’hui, Bryan Johnson serait à la recherche de l’amour. Mais l’Américain reste frileux. Pas question qu’il modifie ses habitudes pour quelqu’un. Et encore moins depuis son histoire avec une dénommée Taryn Southern, qui s’est terminée devant les tribunaux. «Disons que le couple n’a jamais été mon point fort, admet le principal intéressé. Je me suis marié à l’âge de 24 ans et je n’avais jamais eu de petite amie avant cela. Donc treize ans plus tard, quand j’ai divorcé, je ne savais pas gérer une relation.»
En l’occurrence, Taryn Southern a partagé la vie de Bryan Johnson pendant trois ans, de leur rencontre en 2016 à l’automne 2019. Et entre eux, tout est allé très vite. Le couple se fiance et emménage ensemble dans le quartier de Venice, à Los Angeles. Mais le conte de fée vire au cauchemar. La créatrice de contenus, aujourd’hui suivie par près de 85.000 abonnés sur Instagram, apprend qu’elle souffre d’un cancer du sein agressif.
Pour se soigner, elle suit une chimiothérapie et une radiothérapie quand soudain, son fiancé la quitte, «tout en [lui] assurant à plusieurs reprises d’arrêter de s’inquiéter de l’argent et en promettant de prendre soin d’elle pour le reste de sa vie»... En échange d’un accord de confidentialité, lit-on dans une plainte, déposée auprès de la Cour supérieure de Californie et relayée par People . Bien qu’elle n’ait «plus de revenus stables» pour payer ses factures médicales, Taryn Southern a refusé. Et a, à la place, réclamé à son ex-compagnon 9 millions de dollars de dommages et intérêts pour «détresse émotionnelle» et «pertes financières». Dans sa plainte, la jeune femme affirme en effet que Bryan Johnson l’a poussée à abandonner sa carrière et à consacrer son temps à travailler pour lui, gracieusement, sur la création et le développement commercial de Blueprint, la rédaction de contenus et la production de clips vidéo.
Homme augmenté
En attendant de trouver l’amour, Bryan Johnson reste obsédé par sa quête de jeunesse éternelle. L’ultime étape qu’il vient d’entamer ? La thérapie génique, une technique médicale qui modifie l’ADN des cellules pour soigner des malades. L’entrepreneur l’a, quant à lui, expérimentée pour augmenter sa masse musculaire et repousser son âge biologique. Parce qu’il n’était pas possible d’y avoir recours aux États-Unis, il n’a pas eu d’autre choix que de s’envoler vers les Caraïbes, à Próspera, une île du Honduras. «Je suis officiellement devenu un humain génétiquement modifié», s’enorgueillit-il à la fin de Don’t Die. Si l’intervention - ici, une injection dans l’abdomen - s’est a priori déroulée sans encombre, elle reste très dangereuse. Et pose des questions éthiques. Bryan Johnson les évoque lui-même : «Quand les gens me voient suivre une thérapie génique, pour beaucoup c’est un symbole d’inégalités ou de fossé entre riches et pauvres. Ma vision est différente. Si on arrive à prouver que cette thérapie est efficace et sans risque et que 10.000 personnes sont prêtes à y avoir recours, alors son coût baissera.» Si Bryan Johnson a tourné le dos au mormonisme il y a quelques années, il semble avoir fait de son éternelle jeunesse une nouvelle religion.