La saga Tron s’apparente un peu à la comète de Halley. Depuis plus de quarante ans, ces longs-métrages Disney viennent périodiquement titiller l’imaginaire des spectateurs, tels des marqueurs de l’évolution du virtuel. Il faut cependant compter quinze à trente ans pour voir un nouveau film sur grand écran.
Tron Ares n’échappe pas à la règle. Réalisé par le cinéaste norvégien Joachim Rønning (Pirate des Caraïbes 5, Bandidas), ce nouveau chapitre opère une véritable rupture de ton. Exit le bleu électrique et fluorescent des deux premiers. Un rouge flamboyant déchire la nuit pour ce troisième volet que l’on n’espérait plus. Rouge, la couleur du danger, de l’excitation ou de la colère. Et celle de la guerre aussi.
Justement, ce film au confortable budget de 200 millions de dollars suit la turbulente odyssée d’un programme nommé Ares (Jared Leto, habité par son rôle). Conçu par le fils de Dillinger (le méchant du premier film), ce logiciel guerrier hautement sophistiqué, dont son créateur voudrait qu’il soit une réincarnation du dieu de la guerre, est d’abord programmé pour s’extirper de l’univers numérique pour se réimplanter dans le monde réel.
Sa mission doit marquer la première véritable rencontre entre des êtres artificiels dotés d’une IA et l’Humanité. Bien sûr, les militaires n’en perdent pas une miette. En fusionnant intelligemment le meilleur des deux premiers films, Tron Ares dépasse les attentes, entre long-métrage expérimental pour « happy few » et film d’anticipation fuselé pour le succès, à grands coups de courses-poursuites endiablées.
Tsunami de pixels
Parmi les changements principaux, les disques d’identité des protagonistes (dont ils se servaient comme des frisbees) sont triangulaires plutôt que sphériques. Mais la plus importante évolution reste l’inversion complète du lieu d’affrontement. Cette fois, notre bonne vieille terre est sur le point d’être envahie par le virtuel. Le message est clair. À force de brouiller les repères entre l’existence réelle et la vie sur les réseaux sociaux, notre monde risque d’être submergé par un tsunami de pixels. Ce troisième chapitre prend donc parfois des allures de cyber-prophétie.
En 1982, le Tron original creusait déjà ce sillon. Chef-d’œuvre avant-gardiste, d’abord méconnu, ce long-métrage de Steven Lisberger aura été le premier film Disney à exploiter largement les images de synthèse, tout en damant la piste aux Matrix, eXistenZ ou Ready Player One . En 2010, la suite, Tron : l’héritage de Joseph Kosinski, avait permis d’engranger près de 400 millions de dollars au box-office.
Cette fois, avec Tron Ares, Disney rallume les néons de la franchise hollywoodienne. Sous ses airs de blockbusters d’anticipation pour les 7 à 77 ans, l’intrigue de ce troisième opus met en scène une intelligence artificielle évolutive éprise d’émancipation, comme une nouvelle race de Pinocchio 2.0. Il n’est pas interdit de penser au film de Steven Spielberg A.I. adapté du dernier projet inachevé de Kubrick, sorti en 2001.
Passer la publicitéSi les effets spéciaux sont aussi bluffants que l’intrigue, cette suite inspirée, digne de ses aînés, n’en demeure pas moins une fascinante plongée sensorielle dans un cyberunivers à la 3D élégante, le tout rythmé par les nappes mélodiques du groupe Nine Inch Nails qui succède à Daft Punk. Une très belle réussite.
La note du Figaro : 3,5 / 4