Comment s’assurer de la fiabilité des pièces détachées d’occasion, à l’heure du tout numérique ?
Elle est loin l’époque de la casse auto, où nos grands-parents allaient se fournir en pièces détachées, armés de leur connaissance en mécanique. Loin l’époque où ils inspectaient l’état général de la pièce, recherchant des traces d’usure, de fissures, de corrosion ou de déformation. Où pour certaines pièces (alternateur, démarreur, cardan…), ils pouvaient tester le fonctionnement à la main ou demander à un garagiste de vérifier la pièce avant l’achat.
Désormais les casses obéissent à un fonctionnement industrialisé et sont devenues de véritables centres de recyclage, intégrés dans l’économie circulaire (avec des normes dépollution, de démontage et de tri des pièces, de traçabilité). Et les 1.5 million de véhicules hors d’usage traités chaque année en France sont soigneusement déconstruits, dans le but de maximiser la récupération et la valorisation des matériaux et des pièces réutilisables. Surtout, cette pratique s’est digitalisée : l’accès à la casse physique de nos grands-parents a disparu. C’est ce dont nous avons été témoin, en visitant le 11 juin la casse du groupe GPA à Livron-sur-Drôme (26), lors d’un voyage de presse organisé par eBay.
Ici, pas question de fouiller dans un amas de ferraille pour dénicher la pièce rare. 80 véhicules arrivent chaque jour et sont méthodiquement déconstruits selon un processus industriel rodé. «Nous démontons entre 1 500 et 2 000 pièces quotidiennement», explique la direction. Chaque véhicule qui franchit les portes de l’usine est d’abord cartographié via les références constructeurs, puis comparé aux historiques de ventes pour déterminer quelles pièces méritent d’être prélevées selon le stock déjà entreposé par l’entreprise et la qualité des pièces (merci au logiciel dopé à l’IA).
« Tout est bon dans le cochon »
Métaphore de Johan Renaud, président de Groupe GPA pour signifier qu’il récupère tout dans les voitures épaves
Autrement dit, toute pièce qui n’est pas considérée comme qualitative ou celles déjà suffisamment en stock, est broyée. Et la matière première récupérée. Même les fluides de la voiture servent à la consommation énergétique de l’entrepôt. «Tout est bon dans le cochon», s’amuse à dire Johan Renaud, président de Groupe GPA. Cette industrialisation répond à une demande croissante : selon une étude Opinion Way d’avril 2025, 77% des automobilistes se disent désormais prêts à utiliser des pièces de réemploi, contre 69% en 2022. Une progression portée par l’attrait économique évident : 70% d’économie réelle par rapport au neuf.
Mais comment garantir la qualité d’une pièce que l’on ne peut plus toucher, sentir, examiner sous tous les angles ? Chez GPA, la réponse tient en un mot : la standardisation. La chaîne de démontage organisée en U comprend une série de postes de contrôle où chaque pièce subit des tests systématiques. «Nous avons des standards de qualité homogènes», insiste Hugo Barberot, directeur commerce et marketing chez GPA. «Une rayure hors de nos standards et la pièce ne passe pas nos contrôles», insiste-t-il.
Chaque pièce prélevée est photographiée sous six angles différents grâce à des équipements professionnels. «La qualité de la photo est un des éléments les plus importants, elle permet à l’acheteur de se positionner», confirme Jean-Marie Nelias, en charge de la stratégie des comptes de la partie automobile chez eBay. Cette documentation visuelle remplace désormais l’inspection tactile de nos ancêtres.
Les certifications comme gage de qualité
Pourtant, la numérisation ne règle pas tout. «Bon état, mauvais état, c’est très dur à objectiver», avoue franchement le patron de GPA, quand on lui demande s’il pensait à vendre les pièces détachées selon leur niveau de qualité. Cette subjectivité reste l’un des défis majeurs du secteur. Pour y répondre, les professionnels développent des grilles d’évaluation et les plateformes de revente (Ebay, Opisto, Careco, Ovoko...) se basent sur des fiches produits détaillées (compatibilité des pièces, caractéristiques techniques).
Aussi, ces casses 2.0 ont recours (ou y sont obligés) à des processus et normes commerciales classiques : certification ISO 14001 (label prouvant une qualité de service constante et de haut niveau) et 9001 pour GPA (label démontrant une réduction des effets sur l’environnement de façon continue). Ainsi que la qualification Qualicert, une certification de service délivrée par un organisme tiers indépendant (SGS ICS) qui atteste que l’entreprise respecte des engagements de qualité définis dans un référentiel spécifique à son secteur.
Faut-il faire confiance au processus industriel ?
Là où nos grands-parents n’avaient que leur parole et celle du casseur, le tout numérique (et les règles de consommation qui l’accompagne) apportent des garanties contractuelles. Les pièces détachées sont garanties deux ans, tandis qu’il existe une possibilité de retour, eBay offre par exemple une protection de 30 jours en cas de problème (il existe une obligation légale de 14 jours sur ce point). Le taux de retour reste d’ailleurs modéré : 8% seulement chez GPA, répartis entre erreurs de référence, casse transport et rétractations. «Nous avons une équipe SAV dédiée qui travaille sur l’amélioration continue des processus», précise la direction de GPA.
Exemple parlant : les moteurs Pure Tech de PSA. GPA a remarqué un taux de retour de ces pièces supérieur à la moyenne. Et un protocole spécifique a donc été exploré : analyse d’huile systématique, changement préventif de la courroie de distribution et traitement différencié dans la chaîne de contrôle.
À l’heure du tout numérique et de la modernité, il n’est donc plus possible de se fier à soi pour s’assurer de la fiabilité des pièces détachées d’occasion. Il faut plutôt avoir foi en un écosystème complexe mêlant certifications ISO, processus industriels standardisés, algorithmes de compatibilité, photographies professionnelles et systèmes de traçabilité numérique. Une alchimie technologique qui remplace l’instinct et l’expérience par la data et les normes...