À voir : Valentina, un cœur gros comme ça au Théâtre de la Ville
« Il faut voir avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux ». Caroline Guiela Nguyen doit connaître cette phrase du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry. Diseuse d’aventures extraordinaires, dans Valentina, la directrice du Théâtre national de Strasbourg relate l’histoire d’une fillette de 9 ans et de ses parents en remontant à la légende d’un « cœur martyr » qui a la particularité de ne pas périr. « Il était une fois, dans une forêt proche de Bucarest, une petite maison », et un ... miracle qui va nous transporter.
Valentina (lumineuse Angelina Iancu, en alternance avec Cara Parvu) vit insouciante et heureuse après de ses parents. Mais sa mère (Loredana Iancu) souffre de problèmes cardiaques et ne peut être soignée qu’en France. Elle quitte son mari et la Roumanie pour s’y installer, mais ne parlant pas la langue de Molière, elle peine à se faire comprendre du médecin qu’elle consulte (Chloé Catrin, aussi formidable en directrice d’école). D’autant que celle-ci est débordée et pressée. Pour sa part, Valentina se révèle douée pour apprendre le français. À tel point qu’elle saisit la notion de mensonge.
Une distribution partagée entre professionnels et amateurs
Après Lacrima, adepte du « théâtre du réel », Caroline Guiela Nguyen mêle de nouveau sujet réaliste et social avec fiction pour broder un cadenas à portée du jeune public – son spectacle est conseillé à partir de 12 ans — sans oublier les adultes. Dans une scénographie reconnaissable (Alice Duchange), s’appuyant sur un caméraman qui filme les protagonistes en direct, l’auteure metteuse en scène parle d’un amour filial infini, de sacrifice ultime et de responsabilité, avec un cœur gros comme ça.
La maman accepte que Valentina soit son interprète. Consciente du pouvoir des mots, la gamine comprend vite que toute vérité n’est pas bonne à dire et enchaîne les pieux mensonges. Elle traduit ce qu’elle veut et embellit la réalité, ce qui donne des séquences pleines d’humour. La metteuse en scène indique qu’elle a songé à Nabokov qui considère que la poésie est née le jour où « un petit garçon de l’âge des cavernes a couru à travers l’herbe haute en criant “un loup, un loup” alors qu’il n’y avait pas de loup. »
Caroline Guiela Nguyen a étrenné ce spectacle au TNS dans le cadre d’un festival récent, Les Galas, qui défend un «bien commun», le « droit universel et inaliénable à créer» par tous. Celle qui est en outre la fondatrice du « Centre des récits » recueillis auprès des habitants de la région aborde le droit d’être soigné quelles que soient son origine et sa culture. Sa distribution, des acteurs professionnels et des amateurs issus de la communauté roumaine de Strasbourg (Alsace) emporte tous les suffrages. On craque ce soir-là pour la jeune Angelina Iancu. Adorable et bouleversante.
> > Valentina, au Théâtre de la Ville-Les Abbesses, jusqu’au 15 juin, puis en tournée, Théâtre national de Strasbourg, du 16 septembre au 3 octobre, Les Célestins, Théâtre de Lyon, du 8 au 12 octobre.... Valentina ou La Vérité, conte de Caroline Guiela Nguyen (Éditions Actes Sud-Papiers).