Droits TV de la Ligue 1 : face au fiasco DAZN, les leçons que peut tirer la France des exemples britannique et allemand

Rien ne va plus entre la Ligue de football professionnel et l'opérateur britannique DAZN. La Ligue a décidé de se séparer de son diffuseur principal à la fin de la saison en cours, mais l'opérateur refuse les conditions financières de cette rupture. Les clubs de foot et DAZN sont souvent renvoyés dos à dos dans la responsabilité de ce fiasco : stratégie illisible, appât du gain, promesses non tenues… La France ferait bien de s'inspirer des exemples britannique ou allemand, dont l'écosystème semble plus équilibré.

Il faut d'abord rappeler que c'est déjà le deuxième "accident" de diffuseur en France, après Mediapro en 2020. Le diffuseur avait promis en 2018 un milliard d'euros, dont personne n'a vu la couleur. Rebelote avec DAZN. Il serait faux d'affirmer que la Ligue 1 n'intéresse plus personne, mais il y a en tout cas une dévalorisation du "produit" Ligue 1. Lorsque le championnat était sur Canal+, il y avait environ 3,5 millions d'abonnés (certes, pas seulement pour la Ligue 1). Amazon avait un portefeuille d'1,2 million d'abonnés. Aujourd'hui, DAZN ne confirme pas les chiffres, mais il y a entre 500 000 et 700 000 abonnés. Donc il y a eu une dévalorisation.

De faibles enjeux sportifs et un club écrasant

A contrario, en Angleterre, les droits TV domestiques et internationaux de la Premier League rapportent plus de 4 milliards d'euros. La Premier League écrase tout, c'est le bijou des Anglais. Il est important de gagner la Ligue des champions, mais en réalité il est préférable d'être champion d'Angleterre. Même chose en Allemagne, la Bundesliga est valorisée à 1,2 milliard d'euros, il est évidemment important de gagner une coupe européenne, mais il faut surtout être champion d'Allemagne. Le championnat italien, par exemple, qui n'a pas de droits internationaux, est un des championnats qui se vend le moins – moins que la Ligue 1 à l'international – néanmoins, un titre de champion d'Italie, un Scudetto, est très important.

Le problème en France, c'est qu'on sait depuis dix ans que le PSG va être champion. C'est le cas quasiment 90% du temps. Donc, quand l'attractivité sportive d'un championnat est faible (qui va gagner, qui va être en coupe d'Europe, qui va descendre…) parce qu'un club écrase la concurrence dans tous les secteurs, qu'il soit sportif ou financier, le "produit" Ligue 1 est un petit peu moins facile à vendre.

Peu d'écarts de droits TV entre clubs anglais

Il y a aussi la crainte d'une spirale où personne ne serait prêt à donner davantage, ce qui pourrait créer encore plus d'écart entre les clubs de Ligue 1, puisque cette manne de l'aide de la TV est encore plus importante pour les clubs moyens. Reprenons l'exemple de l'Angleterre. En 2024, la Premier League était valorisée à plus de 4 milliards. Le club qui a le plus touché de droits TV est Manchester City, avec 196 millions d'euros. Le dernier à l'époque était Southampton, et il a touché 148 millions d'euros. Il n'y a pas un énorme écart.

À titre de comparaison, la même année, le PSG a touché 165 millions d'euros de droits TV, quand le dernier, Le Havre, a empoché… 5 millions d'euros. Il y a un problème aussi de gouvernance : où va l'argent et à qui, dans un système où la solidarité est nécessaire. C'est un peu comme le principe de la draft de la NBA aux Etats-Unis, où le dernier club du championnat choisit le meilleur jeune joueur.

Or en France, plus un club est puissant, plus il concentre la puissance. Donc il y a un vrai problème de répartition. Ce n'est pas qu'une question de justice ou de solidarité, mais c'est ce qui va permettre à des écuries historiques de rester à niveau et au moins compétitives sur le terrain.

Le bond en avant allemand

Un épisode catastrophique en Allemagne est parlant à cet égard. Au début des années 2000, Kirch, qui était le diffuseur le plus puissant, plante. Ecran noir. Panique à bord dans le football allemand. La Fédération allemande de football décide de prendre les choses en main, crée une cellule dite commerciale pour transformer un peu le football allemand et encourage les clubs à développer les stades, la formation, la manière d'accueillir le public – pour qu'il y ait vraiment de la billetterie – et incite à être moins dépendant des droits TV. Il n’y avait presque pas de diffuseurs à l'époque, les droits de retransmission allemands se montaient à environ 300 millions d'euros. Les clubs de Bundesliga ont alors travaillé ensemble pour augmenter la valeur de leur produit. En revanche, ils se sont sacrifiés : pendant trois, quatre ans, la situation a été très dure pour le football allemand.

Néanmoins, ils ont bénéficié de l'organisation de la Coupe du monde en 2006. Il y avait des stades flambant neufs, le public est revenu, et des diffuseurs aussi. Ils ont créé le fameux "15h30", qui est le match référence en Allemagne, à la fois pour ceux qui vont au stade et pour ceux qui le regardent à la TV. Ils ont offert une visibilité parfaite pour un diffuseur. Aujourd'hui, la Bundesliga vaut 1,2 milliard d'euros. Pendant très longtemps, les clubs français se sont dit : "Nous, on veut un milliard" sans se demander "Est-ce qu'on vaut un milliard ?". Et c'est ce que la France est en train de payer aujourd'hui.