REPORTAGE. "Les classes sont complètement ravagées à l'intérieur" : quand les élèves pourront-ils enfin reprendre les cours ?
Les enseignants devaient rentrer à Mayotte dans la matinée du lundi 13 janvier mais le passage de la tempête tropicale Dikeledi et l'arrivée de la mousson qui retarde encore l'échéance. Si des enseignants ont quitté le territoire, un certain nombre est revenu pour préparer la rentrée des élèves.
Mais avant tout, il y a les questions purement matérielles car a minima il va falloir nettoyer ou réaménager. Par endroits, il faudra des travaux carrément. "Par exemple, dans une école, on a neuf classes inutilisables sur 16", explique par Ahmed Attoumani, du Sgen-CFDT, qui fait un état des lieux des établissements détruits. "Dans l'un des collèges, les bureaux administratifs sont saccagés, cinq salles de classe dégradées, pillées, vandalisées. Les enceintes du collège ont été transformées en pâturages", précise-t-il, pointant des chèvres, parfois des vaches qui ont pris leurs aises dans l’établissement. S'y ajoutent les écoles inondées dans le Sud, avec la tempête tropicale Dikeledi. Et la liste est assez longue.
"Je peux commencer à déblayer les salles"
L’un des cas les plus critiques concerne probablement cette école élémentaire Cavani-Sud, à Mamoudzou, où étaient scolarisés près de 2 000 élèves, en majeure partie venus des bidonvilles voisins. "Ici, on a ce qui reste de trois écoles", explique le directeur de l'établissement, Guillaume Dupré Wekesa.
À la vieille de Dikeledi, le directeur reçoit opportunément la visite des pompiers. "Je refais un check de tous les établissements de la commune pour identifier les travaux éventuels qu'on peut faire pour sécuriser et bâcher", explique le pompier. Guillaume Dupré Wekesa lui montre le premier établissement avec les deux salles qui surplombent.
"Il n'y a plus de toiture du tout, ni de charpente... Elles sont complètement ravagées à l'intérieur. Vu de dedans, vous allez voir comment c'est impressionnant."
Guillaume Dupré Wekesaà franceinfo
Le tour est édifiant. Non seulement, la structure de l’école a souffert, mais les classes ont été ensuite vandalisées. "Je peux aussi commencer à déblayer les salles si vous le souhaitez. On a les bras pour enlever les gravats et les encombrants", explique Guillaume Dupré Wekesa.
Des questions de sécurité des élèves et de sanitaires se posent mais il reste la possibilité d’installer des tentes-écoles. "On a un petit plateau là-bas qui est à peu près plat, décrit le directeur. On peut mettre trois ou quatre. Avec les trois salles de classe, ça m'en fait sept. Je suis à la moitié... Ca signifie que l'on peut scolariser les enfants un jour sur deux ou une semaine sur deux."
Pour lui, scolariser les élèves est vital : "Il faut d'abord avant tout qu'on fasse un état des lieux des élèves. C'est ce qui va donner le vrai aperçu de l'après-cyclone. Et puis, il faut leur donner à manger, à boire. Ce n'est pas pour apprendre à lire tout de suite".
"On veut vite reprendre les cours"
"Comment est-ce qu'on va pouvoir scolariser tous ces enfants ?, demande Ousseni Balahachi secrétaire général de la CFDT. Ils sont où les établissements qui pourront permettre d'accueillir les élèves? Ils sont où les enseignants ? Je ne sais pas." Des enseignants ont en effet quitté le territoire. Mais pas mal d’entre eux sont revenus samedi, juste avant la nouvelle tempête, puisque leur rentrée était fixée à ce 13 janvier. Tous n’ont pas un logement intact. Loin de là.
Mais comme Guillaume Dupré Wekesa, ils savent que les élèves les attendent. Surtout si comme Noélia, 11 ans, en sixième au collège de Koualé, ils ont tout perdu dans les intempéries, au bidonville de Mtsapéré. "Il y avait beaucoup de vent et de pluie. J'ai plus mes affaires, elles se sont envolées", témoigne la jeune fille qui veut devenir docteur.
Ce qui manque le plus dans l'école, "c'est la cantine", répond son frère Mohamed, 14 ans, en quatrième. "Il n'y a pas à manger, c'est pour ça que la cantine me manque. Mais tout me manque", ajoute le jeune homme, même les professeurs. Plus de toit, plus cours, plus de crayons… Chido et Dikeledi ont tout emporté aussi chez Ismaël, en terminale management et gestion au lycée Bamana de Mamoudzou : "Ça m'inquiète vraiment parce que j'avais des devoirs à faire aussi et j'ai un bac à passer. On est très stressés, nous les terminales, on veut vite reprendre nos cours." Il essaie malgré tout, donc, de rattraper des cours juste avec son téléphone portable. Il n’a pas d’ordinateur.
Réparer les locaux, loger les enseignants, en recruter, trouver du matériel ou encore reprendre le ramassage scolaire… La tâche est immense. Mais le maire de Mamoudzou est volontariste. Il table sur une optimiste rentrée des élèves à partir du 20 novembre qui sera échelonnée, certainement en mode dégradé. Et si possible "avec un coup de main", explique Ambdiwahedou Soumalia : "On essaie de voir avec la préfecture pour nous abonder en termes de moyens humains, notamment pour tout ce qui est animation. Peut-être qu'on fera deux à trois heures de cours dans une salle de classe et les deux heures pour finir la journée, ce seront des animations hors les murs." Il confie espérer que les cours auront repris normalement au mois d’avril. Une nécessaire gageure.