INTERVIEW. Cessez-le-feu à Gaza : "Entre 50 et 70% de ces otages sont susceptibles de développer des troubles lourds", explique un psychiatre

Les trois ex-otages israéliennes sont "dans un état stable", selon le médecin qui les examinées. Ces trois femmes ont retrouvé leurs familles en Israël, au premier jour du cessez-le-feu entre l'armée israélienne et le mouvement islamiste palestinien dans la bande de Gaza dévastée par plus de 15 mois de guerre. Peu d'informations ont filtré, sur leur état psychique et pour cause, difficile d'établir un diagnostic aussi rapidement, explique François Ducrocq, psychiatre au CHU de Lille et coordinateur national adjoint des Cump (cellules d'urgence médico-psychologique).

franceinfo : Quelles sont les problématiques qui vont se présenter pour ces ex-otages ?

Dr François Ducrocq : On met souvent l'accent sur les problèmes de santé mentale, avec notamment tout ce qui tourne autour de ces troubles de stress post-traumatique et de ses formes complexes. On sait également que le stress, en l'occurrence le traumatisme psychique, poussé à l'extrême chez des gens qui ont vécu des actes, a priori, de torture, de barbarie, d'épuration ethnique, de génocide ou de détention très longue, s'associe à la fois à des violences physiques, des violences psychologiques et des violences sexuelles. On sait que c'est ça qui va entraîner une déconstruction de l'individu qui va demander tous ces processus de résilience et d'adaptation.

Comment les accompagne-t-on ensuite sur le moyen et le plus long terme ?

Ce sont soins, des choses maintenant bien codifiées, des protocoles de prise en charge, qui d'ailleurs, ne diffèrent pas énormément des traumas plus "simples" ou qui durent moins longtemps, on pense notamment à des victimes de violences sexuelles, des victimes d'attentats, de braquages ou de prises d'otages, un petit peu plus dramatiquement quotidiennes. Il y a tout un aspect qu'on appelle psychoéducation, que l'Organisation mondiale de la santé met beaucoup en avant. Il s'agit d'information, de compréhension du phénomène et des enjeux, à la fois pour les patients eux-mêmes et pour leur environnement, leurs familles. Après, il y a des actes thérapeutiques, ce qu'on appelle les thérapies centrées sur le trauma. On cite souvent l'EMDR, mais il y a bien d'autres approches thérapeutiques, des thérapies également par exposition. Et puis, très souvent, quand les troubles de stress post-traumatique ont été diagnostiqués, il y a des approches médicamenteuses également, avec des traitements psychotropes qui, en association avec les psychothérapies, s'avèrent si ce n'est redoutablement efficaces, au moins indispensables.

Comment pourront-ils revenir à la vie normale ? Est-ce d'ailleurs possible ?

Qu'est-ce que revenir à une vie normale ? C'est tout l'enjeu de la résilience et de la reconstruction. Nous qui sommes vraiment du côté santé et pas du côté de la sociologie par exemple, le but est de diminuer l'impact, de diminuer l'intensité des symptômes, l'intensité de la maladie, l'intensité des problématiques de santé mentale et du coup de diminuer l'impact  de toutes ces conséquences physiques, psychologiques, affectives, professionnelles, scolaires chez l'enfant, de tous ces troubles du développement.

"C'est vrai qu'à partir du moment où la santé mentale s'est un peu restaurée, l'adaptation à une vie s'avère possible."

François Ducrocq

à franceinfo

Mais ça dépend des individus, ça dépend de leur trajectoire de vie. La littérature est toutefois assez claire là-dessus, on estime qu'entre 50 et 70% de ces otages sont susceptibles de développer des troubles lourds, mais qu'une proportion non négligeable d'entre eux va guérir de ces troubles.