"Nous ne pouvons rien bâtir de fiable pour le logement des Français modestes", déplore Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment
L'instabilité politique a déjà des répercussions économiques. Après le départ de François Bayrou, resté neuf mois à Matignon, Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment, livre sa vision de la situation face à Lucie Chaumette dans le "11h/13h" du mardi 9 septembre.
Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
Lucie Chaumette : Est-ce que vous partagez les avis énoncés, à savoir que l'instabilité politique n'est pas bonne pour les affaires, notamment dans le BTP ?
Olivier Salleron : Dans le bâtiment, nous connaissons malheureusement l'instabilité politique. C'est tous les ans ou tous les six mois qu'on nous change les règles du jeu. Alors là, oui, avec cet enchaînement de gouvernements successifs et de ministres responsables de notre secteur, bien évidemment, en cinq ans et demi, j'en ai connu six. Donc nous ne pouvons rien bâtir dans notre secteur, nous le savons, de fiable pour le logement des Français, pour loger les plus modestes, leur donner l'espérance aujourd'hui d'acquérir un logement ou de louer un logement, ni de rénover énergétiquement. Ce matin, je déclarais que la rénovation énergétique en France, c'est terminé. Malheureusement, ce sont les plus modestes qui vont en pâtir parce qu'un décret est sorti hier du chapeau, stipulant que l'isolation des murs, rendez-vous compte, n'était plus aidée pour les modestes et les plus modestes. Donc oui, je déclarais qu'après les fenêtres, après les chaudières, l'isolation des murs, c'est la fin de la rénovation énergétique. Ce gouvernement était quand même bien plus à l'écoute du terrain, bien plus territorial, avec des ministres comme Valérie Létard, qui est une excellente ministre du Logement et qui connaissait le besoin de logements des Français et l'aménagement du territoire. Le budget 2025 était plutôt pas mal. Le budget 2026 s'annonçait pas trop mal. Et là, effectivement, l'instabilité va rendre les choses compliquées.
Donc vous auriez préféré que François Bayrou n'engage pas la confiance pour ne pas tomber ?
Pas du tout. Nous, François Bayrou ou pas, à la limite, je veux dire, on s'en fiche un peu. Nous savons que les Français vont avoir besoin de se loger. Quatre millions de Français cherchent un logement aujourd'hui, peut-être pour évoluer aussi. Les étudiants ne se logent plus. Ils arrêtent leurs études parce qu'ils ne trouvent pas de logement. Les nouveaux travailleurs non plus ne trouvent pas de logement à proximité de leur emploi. Les personnes âgées non plus. Et parlons du logement social ; pour les modestes et les plus modestes, nous avons construit 40 % de logements sociaux en moins depuis quelques années.
"Dans le bâtiment, nous allons perdre 30 000 salariés en équivalent plein cette année"
Mais l'instabilité politique sur tous les sujets que vous venez d'évoquer, ça provoque quoi ? Ça provoque des ordres et des contre-ordres, ou ça provoque des mises en pause ?
Tout, des "stop-and-go", des ordres et des contre-ordres. Malheureusement, oui, c'est vrai que le bâtiment et le logement, en particulier, dépendent beaucoup de lois chaque année, ou, quelquefois tous les six mois, de décrets d'aides. Ce ne sont pas des aides aux entreprises, ce sont des aides à nos concitoyens. Regardez le prêt à taux zéro qui a été remis en place pour nos Français modestes ; ce sont nos jeunes qui veulent acheter une petite maison, un petit appartement de 60, 80 mètres carrés. Eh bien, avec ce prêt à taux zéro, c'est vrai que les deux derniers gouvernements, grâce à Valérie Létard, ont réussi à rebooster cette construction. Mais c'est totalement insuffisant aujourd'hui.
On parlait du budget, justement. Là, pour l'instant, nous n'avons pas de budget et nous ne savons pas comment ça va se passer. Nous ne savons pas si nous en aurons un avant la fin de l'année. Par contre, ce que nous savons, c'est que dans le budget de François Bayrou, il y avait des choses qui ne faisaient pas plaisir à une grande partie des Français, à savoir la suppression des deux jours fériés. Le fait que cela ne soit plus sur la table à ce stade, puisqu'il n'y a plus de gouvernement Bayrou, est-ce que c'est une bonne nouvelle ou pas pour le secteur du BTP ? Pour les patrons, pour les salariés ?
Je crois qu'au 15 juillet, nous avons entendu cet électrochoc et nous n'avons retenu que ça. Nous sommes totalement apolitiques, ce n'est pas à nous de dire. En revanche, ce que nous disons, c'est qu'il faut remettre sur le marché des Français, malheureusement, qui sont sur le bord de la touche aujourd'hui, au chômage ou au RSA. Dans le bâtiment, nous pouvons les accueillir parce que le bâtiment a changé, il est beaucoup plus innovant. Nous avons besoin à la fois d'intellect et de bras, nous avons besoin de tous ces gens-là. Les jours fériés, peu importe, j'allais dire. Ce qu'il faut, c'est remettre ces gens-là qui sont dans la détresse au travail. Et nous, dans le bâtiment, même si nous allons perdre, et ça c'est grave, 30 000 salariés en équivalent plein cette année, parce que justement cela patauge au niveau des réglementations et des lois sur le bâtiment, tant pour le neuf que pour la rénovation énergétique, eh bien nous avons besoin de ces talents pour remplacer ceux qui partent à la retraite.
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