"Les abus sexuels dans l’Église en Irlande, c’est une pandémie" : un ancien élève au pensionnat du Rockwell College témoigne

En France, l’affaire Bétharram compte plus de 150 plaintes reçues par la police pour violences, agressions sexuelles et viols à l'école Notre-Dame-de-Bétharram. Mais ces dernières années, plusieurs scandales d’abus sexuels sur mineurs par des prêtres ont été révélés partout dans le monde. La plupart des victimes sont des hommes, désormais âgés de plus de 50 ans.

Derek McCarthy, ancien élève d'un établissement catholique en Irlande, n'a pas été épargné. Comme ses frères, son père et son grand-père avant lui, il a étudié au Rockwell College, l’un des plus prestigieux pensionnats catholiques du pays, dirigé par des prêtres de la Congrégation du Saint-Esprit, les spiritains.

Mais dès l’âge de 11 ans, Derek y subit de multiples abus sexuels, dont il commence seulement à parler : "L'un des prêtres m’a caressé et m’a obligé à le caresser, jusqu’à ce qu’il éjacule dans ma main, raconte-t-il. Et à partir de là, un médecin aussi a commencé à abuser de moi. Au total, il y avait trois prêtres et un médecin. Je ne sais pas si 50 fois, c'est le nombre exact, ça pourrait être plus que 50 fois, mais ce n’est pas moins."

"Les prêtres ont dit à mon père que j'étais malade"

Les abus durent plusieurs années. "Tout le monde savait ce qui se passait, personne n’a rien fait, ils ont laissé faire, poursuit Derek. À Rockwell, nous avions ce qu’on appelait 'le parloir', nos parents venaient nous rendre visite, une fois par mois, et nous emmenaient dîner le dimanche."

"Certains prêtres me donnaient des bonbons le samedi soir, en échange de mon silence et ça marchait."

Derek McCarthy, victime d'abus sexuels lorsqu'il était enfant

à franceinfo

Mais un jour, c’en est trop. Derek réussit à s’enfuir et raconte tout à son père. "Il y est allé pour leur faire face. Les prêtres lui ont dit que j’étais un garçon malade. C’est ce qu’ils ont dit, que j’étais malade... Mon père a sorti mes frères de l’établissement. Et je ne crois pas qu’on en ait vraiment jamais reparlé. Vous savez, à l’époque, c’était l’Église et l’État. Et l’Église catholique avait plus de pouvoir. Ils régnaient dans ce pays. Vous savez, les abus sexuels dans l’Église en Irlande, c’est une pandémie et... vous savez...", l'homme, ému, ne finit pas sa phrase.

Aujourd’hui, Derek a donc décidé de briser ce silence. À 58 ans, il espère que partager ce qu’il lui est arrivé encouragera d'autres survivants à faire de même. Et pour obtenir réparation, Derek a fait appel à Ann Olivarius, avocate internationale : "J'aurais pu obtenir plusieurs millions de dollars de dommages et intérêts aux États-Unis, mais ici on a eu 100 000 euros, raconte-t-elle. En payant si peu d’argent, ça montre que les spiritains pensent être au-dessus de la loi, qu'ils peuvent dicter leurs termes. C’est un vrai manque de respect envers les victimes."

Une congrégation parmi d'autres

Le Rockwell College n'est pas la seule école concernée. Un documentaire de la chaîne nationale RTÉ a mis en lumière en 2022, des abus sexuels dans une autre école, celle du Blackrock College, également dirigée par la congrégation du Saint-Esprit. Une soixantaine d’anciens élèves, depuis, ont affirmé y avoir été abusés. Dans le pays, en tout, ce sont plus de 400 victimes qui ont porté plainte contre des prêtres spiritains.

Mais ce n’est pas la seule congrégation concernée. Depuis une vaste enquête a été lancée au niveau national. Elle révèle plus de 2 000 allégations d’abus, commis dans 300 écoles, gérées par une quarantaine d’ordres religieux, à travers l’Irlande.