Guerre commerciale : Pékin, Tokyo et Séoul en quête d'unité sur fond de menace américaine
"À un tournant de l'histoire", le Japon, la Chine et la Corée du Sud se sont réunies samedi 22 mars pour tenter de se rapprocher et surmonter leurs désaccords, au moment où la guerre commerciale engagée par les États-Unis menace la région.
"La situation internationale est devenue de plus en plus difficile, et il n'est pas exagéré de dire que nous nous trouvons à un tournant de l'histoire", a déclaré le ministre japonais des Affaires étrangères, Takeshi Iwaya en ouvrant ses discussions avec ses homologues chinois Wang Yi et sud-coréen Cho Tae-yul. "Il est plus que jamais nécessaire de redoubler d'efforts pour surmonter les divisions et les confrontations par le dialogue et la coopération".
Renforcer la coopération permettra de "résister ensemble aux risques" et de promouvoir la "compréhension mutuelle" entre les populations, a relevé de son côté Wang Yi.
Cette réunion trilatérale, la 11e sous ce format, intervient en effet alors que l'Asie orientale se trouve sous la menace de l'offensive douanière du président américain Donald Trump, et confrontée aux déploiements militaires nord-coréens en soutien à la Russie en Ukraine et manoeuvres de Pékin autour de Taïwan.
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La rencontre a donné lieu, a indiqué Takeshi Iwaya à son issue, à "un échange de points de vue franc sur la coopération trilatérale" et les enjeux internationaux, relevant une volonté commune de "promouvoir une coopération orientée vers l'avenir".
Il a annoncé que Tokyo, Séoul et Pékin comptaient "accélérer" leurs discussions pour organiser un nouveau sommet entre leurs dirigeants.
"Maintien de la paix et de la stabilité dans la péninsule coréenne"
Les chefs d'État ou de gouvernement des trois pays s'étaient retrouvés à Séoul pour leur premier sommet tripartite en cinq ans, en mai 2024 : ils y avaient réaffirmé leur objectif de dénucléarisation de la péninsule coréenne – en référence aux armements nucléaires développés par la Corée du Nord.
Séoul et Tokyo adoptent une position plus ferme à l'égard de Pyongyang que Pékin, qui demeure l'un des principaux alliés et bailleurs de fonds économiques de la Corée du Nord.
"Nous avons réaffirmé que le maintien de la paix et de la stabilité dans la péninsule coréenne constitue un intérêt commun et une responsabilité partagée des trois pays", a déclaré Cho Tae-yul à l'issue de la rencontre de samedi.
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"Par ailleurs, j'ai insisté sur le fait que la coopération militaire illégale entre la Russie et la Corée du Nord devait être immédiatement interrompue", a-t-il déclaré.
Alors que Pékin s'est nettement rapproché de Moscou depuis le lancement de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine il y a plus de trois ans, le ministre japonais des Affaires étrangères a de son côté averti qu'il n'était acceptable "nulle part" de "changer le statu quo par la force".
Les ministres ont aussi abordé les questions du changement climatique et de mesures visant à contrer la baisse de la natalité, ainsi que la coopération technologique et en matière d'aide aux victimes de catastrophes naturelles.
Trois grande économies "en quête de nouvelles opportunités économiques"
Mais ce sont les questions économiques qui dominaient les préoccupations, dans un contexte électrique. Les États-Unis ont déjà frappé de droits de douane additionnels de 20 % les importations de produits chinois, et imposé des droits de 25 % sur l'acier et l'aluminium, décision qui frappe durement leurs alliés que sont le Japon et la Corée du Sud. Une salve de droits de douane "réciproques" ciblant tous les pays est en outre attendue début avril.
Dans ce contexte, "il n'est pas surprenant que les trois plus grandes économies d'Asie orientale se tournent les unes vers les autres en quête de nouvelles opportunités économiques", a estimé auprès de l'AFP Patricia Kim, chercheuse à la Brookings Institution à Washington.
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Des discussions bilatérales sont également prévues samedi après-midi. En particulier, le Japon et la Chine tiendront leur premier "dialogue économique de haut niveau" en six ans. Les deux puissances tentent de renouer des relations qui, depuis des années, sont entachées notamment par d'historiques conflits territoriaux.
Tokyo entend également convaincre Pékin de lever complètement l'interdiction des importations de fruits de mer japonais, imposée après le début du rejet dans l'océan de l'eau stockée sur le site de la centrale nucléaire de Fukushima.
Un dossier jugé crucial par Takeshi Iwaya. La Chine a déjà annoncé en septembre se préparer à "reprendre progressivement" ses importations, mais sans mise en œuvre effective pour l'heure.
Avec AFP