REPORTAGE. Inondations meurtrières en Espagne : après le drame, la colère contre le temps de réaction des autorités
Les alertes sur les téléphones ont-elles été envoyées bien trop tard ? Dans la région espagnole de Valence, les habitants pansent les plaies de cette catastrophe qui a tué au moins 158 personnes. Alors que la recherche des disparus se poursuit, dans la commune de Paiporta, l'une des plus touchées, les sinistrés tentent de comprendre comment une telle tragédie n'a pu être anticipée.
Txelo et José Enrique, deux habitants de Paiporta dont la maison est inaccessible depuis les inondations, font part de leur détresse. Sac sur le dos, ils marchent en direction du centre-ville de Valence pour se réfugier chez des proches, avec leurs vêtements en partie recouverts de boue. Ils sont épuisés, mais aussi en colère. Les téléphones ont reçu un message d’alerte mardi, à 20h10, bien trop tard selon Txelo : "Les alarmes ont sonné quand on avait déjà de l’eau partout. On avait déjà sauvé une femme avec ses deux bébés, un homme enfermé dans sa voiture", détaille-t-elle, avec une certaine émotion. "C’est à ce moment-là qu’ont sonné les alarmes de la protection civile. Elles ont sonné toute la nuit de mardi. Mais c’était trop tard, notamment pour toutes les personnes âgées de la maison de retraite. Personne n’a survécu là-bas."
Les sinistrés pointent la responsabilité du gouvernement régional
À Paiporta, plus de 40 personnes sont décédées, et les autorités redoutent de retrouver d'autres corps dans les prochaines heures. Ce couple sait qu’il ne pourra pas rentrer chez lui avant quelques jours, plusieurs voitures bloquent l’accès de son pavillon, ensevelies les unes sur les autres, à cause des torrents. Avec ses trois enfants et sa femme, José Enrique a passé la nuit dans sa voiture, il se sent abandonné. "Personne n’est venu nous voir, on ne nous a rien dit, ou n’est venu pas nous apporter à manger ou un colis. Il y a des bébés là-bas. Voilà deux jours qu’on essaie de survivre".
Sur le chemin, Santiago, un jeune retraité, se dirige aussi vers Valence à pied pour aller chercher de l’eau. Il est excédé, car, selon lui, les autorités ont réagi tardivement, il dit être en colère, surtout contre le gouvernement régional valencien.
Les services de météo avaient bien envoyé plusieurs messages sur les réseaux sociaux dès mardi matin. Mais pour les sinistrés, le gouvernement régional a pris à la légère cet avertissement. Ce matin, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez appelait les habitants à "rester chez eux", le risque étant encore présent. La région et l'exécutif se sont renvoyé la responsabilité, avant de parler d'une même voix.
Le Premier ministre et le président régional éteignent la polémique
Mercredi soir, le président valencien du Parti Populaire (parti conservateur), Carlos Mazón, a rejeté la faute sur le gouvernement central de Pedro Sánchez. Selon le président régional, ses équipes ont suivi correctement les protocoles établis et coordonnés par la direction générale de la Protection Civile qui dépend de Madrid. De son côté, le ministère espagnol de l'intérieur se défend, expliquant que la décision de ne pas envoyer de message d’alerte à la population avant mardi soir à 20h correspondait uniquement à l’exécutif valencien.
Mercredi, alors que les critiques se multiplient, le chef du gouvernement espagnol, le socialiste Pedro Sánchez, s'est déplacé à Valence, au centre de coordination opérationnelle intégré de la région valencienne, aux côtés du président régional Carlos Mazón. Aucune déclaration commune à l'issue, mais plutôt, une poignée de main, pour éviter toute polémique. Carlos Mazón a complètement changé de ton, tout en remerciant Pedro Sánchez de sa visite et a mis en avant la collaboration étroite entre les différents services de secours, régionaux et nationaux.