À l'approche des fêtes, de nombreux marchés de Noël ont ouvert leurs portes, dans un climat tendu. Le risque d'attentat nécessite une vigilance maximale et la sécurité aux abords des installations a été renforcée, confirme ce jeudi 4 décembre le ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez, qui détaille le dispositif déployé pour les grands rassemblements de la période de fêtes. Également interrogé dans les "4 Vérités" sur la condamnation en appel du journaliste français Christophe Gleizes à sept ans de prison, mercredi en Algérie, le locataire de Beauvau assure que "le gouvernement français va tout faire pour obtenir sa libération".
Ce texte correspond à la retranscription d'une partie de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.
Cyril Adriaens-Allemand : On va être très concret ce matin. Vous avez alerté hier tous les préfets de France pour renforcer la sécurité sur les marchés de Noël. "Vigilance maximale", écrivez-vous, compte tenu d'une menace terroriste très élevée. Les marchés de Noël, c'est une cible privilégiée des projets d'attentats ?
Laurent Nuñez : Comme tous les rassemblements de personnes, et notamment à l'occasion de ces moments festifs où beaucoup vont se rassembler dans les marchés de Noël, mais d'une manière générale sur l'espace public, oui, c'est toujours une cible. Les rassemblements de personnes sont des cibles des mouvements terroristes et donc, comme chaque année en réalité, tous mes prédécesseurs l'ont fait, on rappelle aux préfets le nécessaire niveau de vigilance qu'il faut avoir sur ces séquences. Vous savez, les préfets de la République le savent et tous les dispositifs sont mis en place pour sécuriser évidemment ces grands rassemblements, dont les marchés de Noël.
Qu'est-ce que vous demandez précisément aux préfets ?
Ce qu'on demande très précisément aux préfets, c'est évidemment de prendre contact avec les organisateurs pour s'assurer de la sécurité du marché de Noël, comment sont effectués les contrôles à l'entrée, les fouilles, les palpations.
Les renforcer ?
Évidemment, les renforcer. Donc il y a cet échange avec les organisateurs et puis ensuite il y a des dispositifs de voie publique, de forces de sécurité intérieure qui patrouillent en nombre le plus important que d'habitude, évidemment aux abords des marchés de Noël, et parfois à l'intérieur des marchés de Noël.
Est-ce que la découverte la semaine dernière à Strasbourg d'un pistolet et de munitions dans les buissons près du marché de Noël concourt à cette vigilance accrue ?
Tout concourt à cette vigilance. Il y a une menace terroriste dans notre pays qui est très élevée, donc il faut rester extrêmement vigilant. À date, il n'y a aucun élément qui laisse à penser que ce soit lié à une action terroriste. Mais quoi qu'il en soit, il faut qu'on soit extrêmement présent en termes de protection, de voie publique, mais comme on l'est tout au long de l'année. Mais évidemment, les fêtes de Noël, c'est un moment particulier. Il y a une symbolique forte qui fait qu'on renforce notre vigilance sur la voie publique, dans les contacts avec les organisateurs, puis, particulièrement cette année, ce sont aussi les services de renseignement qui renforcent leur vigilance. Je veux rappeler que ces derniers jours, grâce à la DGSI, ce sont trois personnes qui ont été interpellées et qui pouvaient nourrir des velléités d'actions violentes.
À quel niveau cette menace est-elle qualifiée à l'heure où l'on se parle ?
La menace terroriste demeure toujours très élevée. La menace ne provient plus d'équipes qui pourraient être projetées de l'extérieur de la France. C'est plutôt des personnes qui sont présentes sur le territoire national et qui se radicalisent en écoutant la propagande d'Al-Qaïda et de Daesh et qui sont susceptibles de passer à l'action. Ca correspond exactement au profil des individus qui ont été interpellés ces jours derniers et qui sont par ailleurs de jeunes individus. Sur trois personnes interpellées, on avait deux mineurs et un jeune majeur.
Vous allez adapter également le dispositif pour le 31 décembre ?
Oui. Sur le 30 décembre, c'est le même dispositif. Il y a beaucoup de gens aussi qui sortent sur l'espace public partout sur le territoire national et donc il y a des renforts, effectivement, de forces de sécurité intérieure.
Pas de concert sur les Champs-Élysées cette année ?
Non, sur les Champs-Élysées, c'est autre chose. Il faut rappeler que l'année dernière, il y avait eu un concert sur les Champs-Élysées pour le 31 décembre. Ça n'avait plus lieu depuis plusieurs années. Il y avait un concert assez important. Et la décision qui a été prise de ne pas renouveler cette année, tient à des considérations de mouvement de foule et de sécurité du public, non pas au sens d'agression, mais au sens de mouvement de foule. Dans le passé, il y avait énormément de monde qui se présentait sur les Champs-Élysées et ça créait une foule extrêmement compacte, dense, et donc il ne paraissait pas raisonnable de reproduire cette année un concert. Pour autant, les festivités sur les Champs se réaliseront normalement, il y a bien un feu d'artifice prévu à minuit, et on aura beaucoup de personnes qui vont quand même se rassembler, mais qui ne seront pas attirées sur le haut des Champs, parce qu'il y a un plateau, parce qu'il y a un concert, et donc c'est pour éviter des problèmes de mouvement de foule. Ça n'a rien à voir avec des problèmes de sécurité publique, on sait gérer des foules importantes, on sait protéger des foules importantes. On l'a montré pendant les Jeux et on le montre d'ailleurs à chaque 31 décembre à Paris, où vous avez parfois jusqu'à un million et demi de personnes.
Nos confrères du Figaro viennent de publier ces chiffres : 51 enquêtes ont été ouvertes depuis le début de l'année, soit une par semaine en moyenne pour actes terroristes, apologie du terrorisme. On sait par ailleurs que sept projets d'attentat ont été déjoués depuis le début de l'année. Le dernier en date, c'est un projet d'attentat antisémite. Est-ce que ce segment de projets d'attentat augmente ?
Ce segment n'augmente pas spécialement, mais vous savez que la communauté juive demeure une cible pour les terroristes, au même titre que les forces de sécurité intérieure, au même titre que les grands rassemblements de personnes, on en parlait avec les marchés de Noël. Il n'y a pas d'augmentation significative de ce type de cible, mais il y a une violence permanente et renforcée des forces de sécurité intérieure.
Le projet de budget 2026 prévoit une augmentation de 600 millions d'euros des crédits du ministère de l'Intérieur, que vous représentez. Vous martelez que ne pas avoir de budget serait une catastrophe pour la sécurité des Français, l'avez-vous dit à Bruno Retailleau ou Édouard Philippe, qui ne semblent pas très pressés de voter le PLFSS ou le PLF ?
Je pense qu'ils le savent très bien. S'il n'y a pas de budget, on passe sur des lois spéciales, et il n'y a pas de mesures nouvelles, et des contraintes fortes sur les engagements des investissements.
Édouard Philippe dit pourtant "Je ne voterai pas pour"...
Il y a une forme de contradiction, on peut le dire. On ne peut pas d'un côté être pour la sécurité, et de l'autre, prendre le risque que nous n'ayons pas, comme c'est prévu en 2026, un renforcement significatif de la filière judiciaire au sein de la police nationale, pour mieux investiguer, mieux lutter contre le narcotrafic. Prendre le risque que nous n'ayons pas les brigades de gendarmerie supplémentaires, pour renforcer la sécurité du quotidien. Il y a 58 brigades qui doivent être déployées en 2026. Et il y a aussi toute notre politique de lutte contre l'immigration illégale, puisque 300 emplois sont prévus pour venir renforcer les centres de rétention administrative.
Un compromis est encore possible ? Le Premier ministre appelle à la responsabilité.
Il n'y a pas d'alternative au compromis.
Même après les déclarations d'Édouard Philippe ?
Il n'y a pas d'alternative. Il faudra bien trouver ce compromis. Et pour la partie qui me concerne, qui est le budget de la sécurité, il en va même de la sécurité de nos concitoyens, et à son renforcement.
Autre thème d'actualité important : que peut faire la France pour le journaliste Christophe Gleizes, condamné en appel hier par la justice algérienne à sept ans de prison ferme pour apologie du terrorisme ?
D'abord, nous regrettons comme vous l'imaginez cette décision, vivement, dont acte. Des discussions sont en cours, nous allons les poursuivre, en ayant en tête que l'on souhaite vivement que Christophe Gleizes soit libéré. Et dans les discussions qui s'engageront avec la partie algérienne, ce sera un élément déterminant. Ça l'était déjà. On a repris l'angle, à un niveau technique à ce stade, avec les autorités algériennes. Christophe Gleizes était déjà emprisonné. La situation n'est pas nouvelle, il y a une décision nouvelle. Nous allons poursuivre la discussion et tout faire pour obtenir cette libération.
Vous deviez vous rendre dans les prochaines semaines en Algérie, est-ce que ce qu'il s'est passé hier change quelque chose à votre agenda ?
Non, ce qui va être déterminant, ce sont les discussions techniques qui préparent mon éventuelle visite. J'ai été invité, j'ai répondu à mon homologue que je m'y rendrai. En ce qui me concerne, c'est surtout sur la partie sécuritaire et migratoire.
Ce déplacement pourrait-il être retardé ?
Le déplacement aura lieu le moment venu, quand nous aurons engagé ces premières discussions techniques. Peut-être un peu plus tard que prévu, mais en tout cas, comptez sur le gouvernement, le ministre des Affaires étrangères et moi-même pour peser de tout notre poids pour obtenir la libération de Christophe Gleizes.
En diplomatie, tous les signes sont importants, est-ce que l'on peut s'appuyer aujourd'hui sur la libération de Boualem Sansal ?
Je ne me livrerai pas à ce genre d'interprétation. Ce que je peux vous dire, c'est que le gouvernement français va tout faire pour obtenir sa libération. Ce sera un élément important des discussions, un élément, même, majeur.