En Gironde, la ville aux deux projets de création de mosquées en évince un
À Ambarès-et-Lagrave en Gironde, les riverains opposés au projet de mosquée d’Ibn Sina ne crient pas encore victoire malgré l’annonce, jeudi, du refus de permis de construire du lieu culturel. «Il y a un soulagement, mais l’association Ibn Sina est très motivée et elle a deux mois pour faire appel. On verra donc dans deux mois», réagit d’emblée l’un d’entre eux. Probablement à raison : l’association Ibn Sina, que nous avons contactée, déclare en effet attendre la réponse écrite de la mairie afin d’examiner les motivations de son refus. Remettant ainsi à plus tard de plus amples déclarations, elle exprime également sa «stupéfaction» en pointant du doigt une «décision préconçue» alors que «Bordeaux Métropole n’a pas encore donné son avis».
Le projet qui avait provoqué une levée de boucliers du voisinage lors de sa découverte en octobre, avait aussi mis à mal la position du maire. Au point que Nordine Guendez (PS), qui avait été accusé d’absence de concertation et d’asymétrie d’information, avait demandé la protection fonctionnelle - votée à l’unanimité mi-novembre - après de vives tensions. Jeudi, ce sont donc les riverains qui ont été informés par l’édile les premiers des motivations ayant conduit à ce refus de permis de construire. «Nous avons regardé ce dossier sur deux volets : son honorabilité pour laquelle la préfecture de la Gironde a émis un avis réservé et son environnement. Or, il comportait plusieurs contradictions», nous indique-t-il en assumant s’être drapé dans la législation sur ce sujet sensible. Au titre des contradictions, figure ainsi le nombre insuffisant de place de stationnement prévu dans le projet qui pourrait causer des troubles de la circulation, ainsi que la présence d’une nappe phréatique attenante au terrain visé qui gênerait la future «gestion des eaux pluviales».
Un second projet de mosquée
«On est heureux pour les riverains, mais ce feuilleton n’est peut-être pas terminé, riposte Éric Poret (RN), élu d’opposition. Je doute d’une validation du projet de construire (d’Ibn Sina, NDLR) après un recours, mais c’est le lieu qui est refusé et non le projet : il pourrait ressurgir ailleurs dans la ville.» Un autre projet de mosquée, portée par le Centre musulman de Bordeaux existe d’ailleurs déjà dans la commune. Il prendrait place à La Mansoura, une salle des fêtes située près du funérarium. Or dans ce dossier, la délivrance d’un permis de construire n’est pas requise pour sa concrétisation : une déclaration préalable de changement d’affectation des lieux, déjà achetés, leur remise aux normes EPR, en cours, et la vérification de l’honorabilité l’association par un avis simple et non contraignant de la préfecture de la Gironde suffisent, d’après le maire Nordine Guendez. Selon ce dernier, le projet n’en serait néanmoins qu’à sa «genèse» administrative.
Une procédure d’apparence plus simple donc, choisie pour cette raison par le centre musulman de Bordeaux. «On préférait acheter un bâtiment déjà construit pour être le plus discret possible et éviter les polémiques autour de la délivrance d’un permis de construire», admet ainsi Tareq Oubrou, le grand imam de Bordeaux. Une stratégie qui pourrait s’avérer payante, d’autant que, comme l’expliquait dans nos colonnes le maire de la commune, le besoin d’un nouveau lieu de culte musulman dans l’agglomération de Bordeaux semble avéré. «La mosquée de Cenon est encombrée, car il y a beaucoup trop de fidèles. On doit faire deux sermons le vendredi, c’est très dur. Il n’y a pas de proportionnalité en France entre le nombre de lieu de cultes musulmans et le nombre de fidèles», précise ainsi l’imam Tareq Oubrou. Le religieux estime ainsi à 5000 le nombre de croyants qui bénéficieraient de la création d’une nouvelle mosquée à Ambarès-et-Lagrave.
Polémique
Dans la commune, qui avait été bouleversée en apprenant en octobre qu’il n’existait non pas un mais deux projets de création de mosquées à Ambarès-et-Lagrave, un climat de suspicion demeure. «Le maire a cédé à la pression, c’est la victoire des riverains. Ce que j’en retiens, ce sont ses mensonges qui ont créé cette agitation. Il se raccroche aux branches parce qu’il craint que ce soit compliqué pour 2026», tacle ainsi David Poulain (sans étiquette), qui s’opposera face à l’édile sortant dans les urnes.