Arcade Fire et Mick Jagger, les albums de la semaine du Figaro
Arcade Fire, Pink Elephant
«Je bois à trop fortes doses, je vois des éléphants roses» chantait Serge Gainsbourg sur Intoxicated Man, en 1962. Nul besoin de boire pour écouter aujourd’hui Pink Elephant, septième album des Canadiens d’Arcade Fire. Cependant, un rappel des faits est nécessaire pour expliquer la discrétion avec laquelle ce groupe d’ordinaire tapageur sort ce nouveau disque. En 2022, son leader, Win Butler, qui dirige le groupe avec sa compagne Régine Chassagne, se voyait accusé par quatre femmes d’agressions d’ordre sexuel. Des faits qui auraient eu lieu entre 2015 et 2020 auprès d’admiratrices du groupe. Butler a répondu en qualifiant ces relations de consenties, mais l’ascension du groupe, continue depuis leur premier disque, Funeral (2004) semble avoir été arrêtée net. Cela se sent très largement dans le disque : le cœur n’y est plus pour eux, ni pour nous, désolés de devoir nous infliger un brouet aussi insipide. L’inspiration qui avait fait de ce groupe le fer de lance du rock indé du XXIe siècle semble s’être évaporée complètement. Les deux albums avant celui-ci n’avaient pas fait date, mais là, c’est la consternation. Les chansons se succèdent, insipides. La passion s’est envolée et le savoir-faire n’a pas pris sa place pour autant. On n’y croit plus. Le groupe devrait peut-être réfléchir, s’arrêter, se débarrasser de son leader toxique et visiblement incapable de l’entraîner vers les sommets tutoyés autrefois. Même le génial Daniel Lanois, collaborateur de U2, Bob Dylan et tant d’autres, appelé à la rescousse, n’est pas parvenu à rehausser des chansons plates.
Mick Jagger, The Very Best of
Les Rolling Stones sont visiblement en train d’achever la conception d’un nouvel album quelque part à Los Angeles. On a vu Mick Jagger et Keith Richards, 81 ans chacun, aux alentours d’un des studios d’enregistrement de la ville, mais aucune autre information n’a percé. Le chanteur des Stones en profite pour rééditer une compilation de ses enregistrements sous son seul nom, sortie en CD en 2007 mais jamais rééditée depuis. Ce qui rappelle que l’homme a essayé d’exister sans son groupe à plusieurs reprises, mais sans succès. Il semblerait d’ailleurs que la rock star a renoncé à ce qui l’animait dans les années 1980 : concurrencer les pop stars de l’époque (Bowie, Madonna, Prince, Michael Jackson) sans s’embarrasser d’un groupe, et surtout, d’un Keith Richards scrupuleux de ne pas s’éloigner des racines blues et rock’n’roll. A la réécoute, les titres des albums She’s the Boss et Primitive Cool, respectivement sortis en 1985 et 1987, ont très mal vieilli. On sera plus clément avec les extraits de Wandering Spirit, sorti en 1993 et réalisé par Rick Rubin : Jagger y est inspiré de bout en bout. Ce sera la dernière fois, le piteux Godess in the Doorway refermant sans cérémonie cette escapade en solitaire. La véritable perle de cette anthologie est à chercher du côté des inédits et des raretés. Notamment Memo From Turner, de 1969, sur laquelle la slide-guitar de Ry Cooder fait des merveilles. Mais aussi un Too Many Cooks historique, puisque enregistré avec Lennon pendant son « lost week-end » en 1974. C’est quand même autre chose que cet éprouvant duo avec Lenny Kravitz sur l’atroce God Gave Me Everything...