Quand les internautes comparent "l'Alcatraz des alligators" de Trump à Auschwitz
Casquette rouge sur la tête, Donald Trump a paradé, mardi 1er juillet, sous les yeux des caméras entre les rangées du nouveau centre de rétention, installé sur le site d'un ancien aérodrome des Everglades, en Floride. Inspectant les lits superposés alignés et enfermés dans des cages grillagées, le président américain s'est vanté de la construction en un temps record de ce lieu destiné à accueillir 3 000 migrants. Implanté dans une zone marécageuse naturelle protégée du sud-est du pays, il a déjà été surnommé "Alcatraz des alligators" par la Maison Blanche et les autorités locales.
"On a beaucoup de flics sous forme d'alligators - vous n'avez pas besoin de les payer autant", a lancé Donald Trump à Ochopee, en limite du parc national des Everglades. "Je ne voudrais pas courir longtemps dans les Everglades. Ça gardera les gens là où ils sont censés être."
"Les serpents sont rapides, mais les alligators... On va leur apprendre comment échapper à un alligator, ok ? S'ils s'évadent de prison, comment s'enfuir : ne courez pas en ligne droite, courez comme ça," s'est-il amusé en dessinant un zigzag avec sa main. "Et vous savez quoi ? Vos chances augmentent de 1 %.
Ces images stupéfiantes ont fait bondir de nombreux internautes qui ont rapidement qualifié sur les réseaux sociaux ce centre de "camp de concentration". Sur BlueSky, les messages se sont multipliés pour dénoncer l'inhumanité de ce lieu. "Non, nous l'allons pas l'appeler Alligator Alcatraz. C'est un camp de concentration en Floride", a ainsi écrit l'écrivain Benjamin Dreyer, ancien responsable de la maison d'édition Random House. "'Alligator Alcatraz' n'est pas correct et les médias ne devraient pas l'utiliser. C'est de la propagande. Alcatraz abritait des personnes condamnées pour des crimes, notamment des crimes violents. Le camp de Floride accueille des personnes qui n'ont été condamnées pour aucun crime. Si elles l'avaient été, elles seraient emprisonnées ailleurs. Ce site est un camp de concentration classique", a aussi estimé l'avocat Max Kennerly.
Professeur à l'université californienne de UCLA, spécialisée dans l'étude des réseaux sociaux, Sarah T. Roberts n'a pas hésité à faire le parallèle avec l'ouverture en 1933 par les nazis de leur premier camp de concentration situé à Dachau près de Munich. Sur son compte, elle a rappelé que le 20 mars 1933, le chef de la SS Heinrich Himmler avait publié un communiqué de presse pour saluer la détention de "fonctionnaires communistes et marxistes".
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"Alligator Auschwitz"
Certains internautes sont même allés plus loin en transformant le surnom d"'Alligator Alcatraz" en "Alligator Auschwitz". Le hastag #AlligatorAuschwitz est même devenu en quelques heures une tendance sur les réseaux sociaux. Ce slogan a aussi été repris par des opposants à ce centre de détention qui ont manifesté, lors de la venue de Donald Trump en Floride.
Connu pour ses articles liés aux nouvelles technologies, le blog "Techdirt" a lui aussi estimé qu'il "était impossible de ne pas comparer les actions du gouvernement américain à Auschwitz" : "Les parallèles sont évidents : des camps construits à la hâte dans des endroits reculés, des noms euphémiques destinés à masquer leur véritable fonction et, fait le plus révélateur, des responsables visitant fièrement les installations tout en discutant de projets de construction d'un 'système' de camps de ce type à l'échelle nationale". Lors de sa visite, le président américain a ainsi déclaré qu'il envisageait d'implanter d'autres centres de ce type ailleurs qu'en Floride. "Eh bien, je pense qu'on aimerait les voir dans de nombreux États. Vraiment, dans de nombreux États", a-t-il dit.

Le blog "Techdirt" a aussi dénoncé la mise en vente sur le site du parti républicain de Floride de t-shirts, casquettes et même gourdes avec un visuel "Alligator Alcatraz" : "C'est là que les camps de concentration américains d'aujourd'hui diffèrent de leurs prédécesseurs du XXe siècle : le régime Trump ne cherche pas à cacher ses actes. Il les commercialise. Il vend des t-shirts célébrant la souffrance humaine comme s'il s'agissait d'une équipe sportive ou d'une destination de vacances. Le gouvernement américain vend littéralement des produits de marque pour célébrer l'enfermement d'êtres humains entourés de dangereux prédateurs".
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Une comparaison inappropriée ?
L'hebdomadaire "The Nation" n'a pas non plus hésité à reprendre le terme d'"Alligator Auschwitz". "Les personnes qui y seront incarcérées seront principalement choisies en fonction de leur origine ethnique et n'auront presque certainement été condamnées pour aucun crime. L'objectif des législateurs n'est pas seulement l'enfermement, mais la souffrance. Au moins, les pauvres âmes qui ont atterri à Alcatraz, la tristement célèbre prison insulaire de Californie, ont bénéficié d'une procédure régulière", souligne ainsi le magazine américain classé à gauche.
Pour "The Nation", ce nouveau centre s'ajoute à une série de "spectacles cruels". Il rappelle les images "des enfants migrants arrachés à leurs parents et vivant dans des cages, des bambins errant seuls, pleurant leurs mères, pendant le premier mandat de Trump. Plus récemment, l'humiliation très publique d'hommes détenus originaires d'Amérique centrale et du Sud, enchaînés et accroupis pendant qu'on leur rasait la tête dans une prison salvadorienne". "'Alligator Auschwitz' pourrait cependant être un nouveau sommet du sadisme public", insiste le magazine.
D'autres internautes appellent toutefois à la modération. Membre du service éducatif de l'ancien camp de concentration de Mittelbau-Dora, Jan Lormis estime pour sa part que "la comparaison avec les camps de concentration nazis allemands, et surtout avec le camp d'extermination d'#Auschwitz, est inappropriée et oublieuse de l'histoire".
"Auschwitz était, entre autres, caractérisé par le travail forcé, les expériences médicales et les meurtres fondés sur la division du travail. Même si #Auschwitz était une plaque tournante de la "politique d'installation" allemande en Europe de l'Est, cela n'a rien à voir avec la détention aux fins de déportation. Cette comparaison relativise les crimes !", insiste-t-il sur son compte BlueSky.
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