Enlèvement de David Balland : sept personnes présentées à un juge d’instruction

David Balland, cofondateur de la société Ledger, une «licorne» spécialisée dans le domaine des cryptomonnaies et de la blockchain, était jusqu’ici plutôt connu dans le monde de la tech et dans le Berry, où il est solidement enraciné. Mais depuis qu’en moins de 72 heures, lui et sa compagne ont été enlevés, séquestrés puis libérés par le Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), le trentenaire fait désormais la Une sur le plan national.

Ce vendredi, le parquet de la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) a ouvert une information judiciaire de plusieurs chefs, notamment d’«arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire avec torture ou acte de barbarie commis en bande organisée» «arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire d’otage pour obtenir l’exécution d’un ordre ou d’une condition, commis en bande organisée» ou encore «extorsion en bande organisée commise avec arme».

Sur les dix personnes à l’origine interpellées dans cette affaire, sept seront présentées au juge d’instruction en vue de leur mise en examen au cours de la journée, a indiqué le parquet de Paris, qui requiert leur détention provisoire. Les trois autres personnes, interpellées jeudi après-midi à proximité immédiate du lieu de libération de la conjointe de David Balland, n’ont finalement «pas de lien établi avec la procédure» et ont été libérées sans poursuites.

Le choix des victimes ne doit évidemment rien au hasard. David Balland a commencé sa carrière en tant que développeur web, responsable informatique d’une entreprise de cosmétiques et directeur technique d’une webradio. En 2014, il a fondé avec sept autres personnes la société Ledger, leader mondial de la sécurisation d’actifs numériques. L’entreprise, qui emploie 650 employés dans le monde entier, est basée à Paris, mais possède un fort ancrage local dans le Cher, son usine étant située à Vierzon. David Balland a quitté Ledger en 2021, et s’investit depuis dans différents projets.

Mutilation à la main

Toute l’affaire commence le mardi 21 janvier. Au petit matin, David Balland et sa conjointe sont enlevés à leur domicile de Méreau, une commune du Cher de 2600 habitants. Les ravisseurs les séparent et les conduisent dans des lieux différents. Ils contactent ensuite Éric Larchévêque, un autre cofondateur de Ledger qui a lui aussi quitté l’entreprise, en lui envoyant une vidéo d’un doigt mutilé de son ami David Balland et une demande de rançon de plusieurs millions d’euros. Prévenue, la gendarmerie déploie les grands moyens. De la section de recherches de Bourges au GIGN en passant par l’unité nationale cyber, 230 gendarmes sont mobilisés sans relâche.

«Les investigations et une première interpellation ont très rapidement permis d’identifier le lieu où était retenu» David Balland, retrace la procureur de Paris Laure Beccuau à l’occasion d’une conférence de presse qui s’est tenue jeudi soir au tribunal judiciaire de Paris. Mercredi 22 janvier, le GIGN intervient près de Châteauroux (Indre), à une cinquantaine de kilomètres de Méreau. Deux personnes sont interpellées. Libéré, David Balland doit être hospitalisé en raison de sa mutilation à la main. Mais sa conjointe, elle, n’est pas encore tirée d’affaire.

Dans la nuit du mercredi au jeudi, les enquêteurs «demeurés en surveillance» interpellent une quatrième personne. Grâce à un travail conséquent «en matière de surveillances, auditions, téléphonie, véhicules», ils remontent la trace de la compagne de David Balland, emmenée successivement dans plusieurs lieux. Le GIGN intervient à nouveau, interpelle six personnes et libère la jeune femme alors qu’elle était ligotée dans une voiture à Etampes (Essonne), cette fois-ci à 150 kilomètres de Méreau. «Elle ne souffrait pas de blessures physiques, mais sera nécessairement prise en charge médicalement en raison du traumatisme subi», indique Laure Beccuau.

Si le kidnapping en lui-même a été très rapidement résolu, l’affaire ne fait finalement que commencer. Initialement confiée au parquet de Bourges, elle est désormais à la charge de la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco), une division du parquet de Paris. Les enquêteurs s’attachent désormais à remonter jusqu’aux éventuels commanditaires de l’opération, les personnes interpellées, placées en garde à vue depuis mardi et peut-être bientôt mises en examen ayant plutôt des profils d’exécutants. Quant à la rançon en cryptomonnaies réclamée par les malfaiteurs, en partie versée «dans le cadre de la négociation dirigée par les gendarmes», elle a en majeure partie été «tracée, gelée et saisie» une fois que les deux otages étaient en sécurité.

«Soulagement»

72 heures après l’enlèvement de David Balland et sa compagne, l’heure est au «soulagement» pour les proches des victimes. Éric Larchévêque a partagé dans un message publié sur X sa «profonde joie» après la libération de «[son] ami et associé David, ainsi que sa femme». «Je tiens également à exprimer ma gratitude pour les nombreux messages de soutien reçus, notamment face aux rumeurs infondées qui ont circulé concernant ma propre sécurité», a-t-il ajouté.

Sur le même réseau social, l’actuel PDG de Ledger, Pascal Gauthier, a quant à lui indiqué avoir «pris contact» avec David Balland depuis sa libération et partager «l’émotion des membres» de sa société «qui ont travaillé avec lui chez Ledger». Il a remercié Eric Larchévêque «pour son courage face à une telle situation, qui, nous l’espérons, ne se reproduira pas», les forces de l’ordre et les médias.

La procureur de Paris a elle aussi salué «la remarquable mobilisation de la gendarmerie nationale» ainsi que «le sens des responsabilités» des journalistes qui ont «bien voulu maintenir le silence sur les faits» dans un «souci de la préservation de la vie humaine» tandis que les opérations de libération des deux victimes étaient en cours.