La diffusion des vidéos a fait l’effet d’une claque sur les parties présentes dans la salle du tribunal pour enfants de Nantes. Sur les images, un jeune se fait agresser, reçoit des coups de pied, se fait étrangler et implore, en vain et en sang, la demi-dizaine d’agresseurs déchaînés contre lui, dans une euphorie sauvage. D’autres scènes donnent à voir des victimes effondrées sur le sol, roulées en boule, cible de la furie de leurs attaquants. Les séquences diffusées ont médusé jusqu’aux proches des sept prévenus, âgés de 14 à 17 ans, qui comparaissaient, le 13 février, devant la justice pour une série de faits d’extorsion et de vol avec violence. La gravité des actes n’a en revanche pas semblé évidente à l’ensemble des mineurs impliqués.
«La gravité des actes commis ne semble pas avoir été pleinement perçue par l’ensemble des mineurs impliqués, dont l’attitude traduisait parfois une certaine légèreté, voire une forme de détachement, comme s’ils évoluaient dans un climat d’impunité. Cela a créé un émoi certain auprès des victimes», témoigne Maître Sophie Sarzaud, avocate d’une partie des victimes. Au terme d’une audience éreintante étirée sur près de 12 heures et achevée à 2h30 du matin, le ministère public a requis le placement en centre éducatif fermé, sous autorité de la protection judiciaire de la jeunesse, pour certains des prévenus les plus violents. Des mesures éducatives provisoires accrues, dont un contrôle judiciaire, ont été requises. Des réquisitions sévères «à la hauteur des faits reprochés et des inquiétudes légitimes des victimes et de leurs parents», saluées par les avocats des parties civiles. «Il est indispensable que les prévenus mineurs prennent conscience de la gravité de leurs actes pour qu’il n’y ait pas d’autres victimes», estime Sophie Sarzaud.
Possibles complicités
Parmi les quatre autres mineurs impliqués dans le dossier, la procureure a proposé de requalifier les poursuites visant l’un des prévenus, de «complicité d’extorsion» à «extorsion», considérant qu’il avait participé aux faits. Le ministère public a requis le maintien des mesures éducatives provisoires pour trois autres adolescents qui s’étaient révélés moins impliqués dans les faits et dont deux avaient scrupuleusement respecté les mesures éducatives provisoires prononcées lors de leur déferrement, en décembre.
Les sept adolescents partagent un profil similaire, marqué par le décrochage scolaire, l’influence de majeurs délinquants et des familles parfois dépassées par l’évolution de leur enfant. La bande avait fait régner la terreur aux abords des lycées et dans les quartiers chics de Nantes, en particulier vers Canclaux, à l’automne dernier, en agressant plus de 19 personnes avec un mode opératoire particulièrement violent. Les agresseurs s’attaquaient en groupe à leurs victimes, qu’ils dépossédaient des objets convoités - ici un portable, une carte bancaire, là des airpods, des baskets - avant de les rouer de coups dans un déchaînement de violence. Les sévices ne s’arrêtaient pas dans la rue. Ils se poursuivaient en ligne, avec le partage, sur les réseaux sociaux, de vidéos des extorsions. Interpellés en décembre, et déférés devant le procureur de la République, les sept ados ont reconnu les faits.
L’audience consacrée à l’examen de la culpabilité des adolescents a également mis en lumière des éléments inquiétants laissant supposer que certains des mis en cause auraient pu bénéficier de possibles soutiens au sein de l’établissement spécialisé qu’ils fréquentaient. Les enquêteurs chargés du dossier n’ont pas retrouvé toutes les vidéos des agressions qui auraient vraisemblablement été prises. «Une partie des vidéos avaient été effacées avant les interpellations. Un des jeunes prévenu a évoqué le fait qu’un de ses encadrants lui aurait fait part d’une prochaine opération de police ; une telle situation si elle était avérée, interrogerait nécessairement sur le rôle et les responsabilités des encadrants dans l’accompagnement de ces jeunes», a souligné l’avocate des victimes. Le verdict du tribunal pour enfant est attendu le 27 février.