Si certains médias russes se félicitent «du spectacle inédit» et «merveilleux» qu’a orchestré Donald Trump pour humilier Volodymyr Zelensky devant les caméras du monde entier, les journaux progressistes américains ont plutôt tendance à dénoncer «la démonstration de force» de leur chef d’État. «Donald Trump a davantage ressemblé à Don Corleone qu’à un président américain vendredi», estime l’éditorialiste du Washington Post , qui affirme que ce dernier a agi comme s’il était «du côté de l’agresseur autoritaire».
«Traiter ses alliés moins gentiment que ses adversaires reflète une certaine naïveté quant à la menace que représente une Russie revancharde pour le monde occidental, y compris pour l’OTAN», écrit-il, critiquant les louanges adressées à Vladimir Poutine. «Apaiser les dictateurs ne fonctionne pas. Poutine, un ancien officier du KGB, réagit à la dureté, pas aux tremblements.»
Dans le New York Times, un journaliste analyse le projet trumpien de mettre à bas le système de l’après Seconde Guerre mondiale, qui privilégiait avant tout les alliés démocratiques : «Pour M. Trump , un tel système donnait aux pays plus petits et moins puissants un moyen de pression sur les États-Unis, laissant les Américains assumer une part bien trop importante de la facture de la défense de leurs alliés et de la promotion de leur prospérité.» Avec cette intimidation de Zelensky, Trump n’aurait fait que poursuivre son plan visant à détruire cet ordre mondial existant, qu’il a toujours considéré «comme une plaie ouverte».
«Zelensky devrait porter un costume Adidas avec du cuir verni et une grosse chaîne»
Naturellement, les médias proches de Trump, qui plaident depuis des mois pour une suppression de l’aide américaine à l’Ukraine, jubilent. Le rédacteur en chef de l’ultraconservateur Breitbart, Alex Marlow affirme que «c’est la première fois qu’un leader mondial s’effondre en public», parlant de Zelensky. «Je pense qu’il devrait porter un costume Adidas avec juste du cuir verni et une grosse chaîne. Pourquoi pas ? Il a l’air ridicule de toute façon», poursuit-il, donnant raison à Donald Trump qui s’est permis des commentaires acerbes sur la tenue militaire de son homologue lors de sa venue à la Maison-Blanche. Le média Gateway Pundit écrit que «le président ukrainien Zelensky a appris à ses dépens qu’un vrai président était de retour à Washington». «Le mauvais comportement prétentieux de Zelensky a été rendu possible par Biden et, très franchement, par le Congrès», analyse-t-il.
«L’Ukraine est mieux préparée que jamais à se passer du soutien américain»
En Ukraine, le média anglophone ukrainien Kyiv Independent exprime une position inverse dans son éditorial titré «Un président vient de manquer de respect à l’Amérique dans le Bureau ovale. Ce n’était pas Zelensky.» Il affirme que «si les dirigeants américains ont changé de camp dans la guerre, le peuple américain n’a pas changé de camp et il doit le dire haut et fort.» Le Kyiv Post décrypte les arguments américains, qu’il juge fallacieux pour la plupart. «L’argument de Trump selon lequel l’Ukraine est en position de faiblesse est contredit par le succès incontestable de la diplomatie ukrainienne, qui a su s’assurer un soutien européen très fort en cas de trahison américaine.» Le journaliste veut croire que l’Ukraine «est mieux préparée à se passer du soutien américain que jamais auparavant dans son histoire».
En Russie, le média indépendant Meduza dénonce «l’embuscade tendue par Trump et Vance» à Zelensky, quand le quotidien économique Kommersant évoque «un véritable désastre diplomatique». Telle n’est pas l’analyse des médias pro-Kremlin, comme le tabloïd Komsomolskaïa Pravda qui entame son éditorial par une insulte à l’adresse de Zelensky «Quel fils de p****», avant d’ironiser sur ce «comédien tout rouge, dont les blagues, pour une raison inconnue, ne faisaient rire personne dans la salle». «La façade du sauveur de l’Europe s’effondrait rapidement sous l’ouragan des arguments de Trump, qui la remettaient à sa place», décrit-il, avant de conclure : «Pour la première fois, Zelensky a pu voir en face quel maillon il occupe dans la chaîne alimentaire.» Une violence verbale caractéristique du camp pro Poutine. La veille, la porte-parole de la diplomatie russe avait elle-même qualifié Zelensky «d’ordure», qui «mord la main qui l’a nourri».