Malgré un taux revu à la baisse, le livret A reste "un placement d'épargne que chacun doit avoir dans son portefeuille", assure l'économiste Philippe Crevel

Un peu moins d'intérêts à la fin de l'année. Le nouveau ministre de l'Economie et des Finances, Eric Lombard, a décidé mercredi 15 janvier de baisser le taux du livret A à 2,4% au 1er février, contre 3% actuellement, suivant la proposition formulée quelques jours plus tôt par le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau. Ce nouveau taux du livret A, dont la baisse s'explique notamment par le ralentissement de l'inflation, "permettra d'amplifier le mouvement très positif de relance du financement du logement social et des collectivités locales observé depuis plus d'un an", justifie la Banque de France dans un communiqué.

Quelles conséquences cette décision va-t-elle avoir pour les 57 millions de détenteurs ? Le livret A reste-t-il un placement intéressant ? Franceinfo a posé ces questions à Philippe Crevel, économiste et directeur général du think tank Le Cercle de l'épargne.

Franceinfo : Pourquoi le ministère a-t-il décidé de baisser le taux du livret A ?

Philippe Crevel : Tout d'abord, ce taux est révisé deux fois par an, le 1er février et le 1er août, selon une formule en vigueur depuis 2021, qui prend en compte à la fois l'inflation et les taux des marchés monétaires de référence des six derniers mois. L'inflation et les taux directeurs de la Banque centrale européenne ayant baissé, il est donc normal que le taux du livret A ait diminué.

Il y a aussi d'autres considérations, plus subjectives, qui peuvent être prises en compte. Le gouvernement souhaite par exemple favoriser ainsi la relance de la consommation, permettre plus de recettes issues de la TVA, diminuer le coût du financement des banques... Mais cela ne veut pas forcément dire que la baisse du taux du livret A entraînera les ménages à aller acheter en ligne ou dans leur commerce de détail. 

Qu'est-ce que cette baisse signifie concrètement pour les épargnants ? 

Ce nouveau taux va entraîner une baisse de leur rémunération et donc, de leur épargne. Par exemple, pour un livret A moyen, dont le montant se situe autour de 7 000 euros, avec un taux de 2,4%, cela représente une perte de 42 euros sur une année. Pour les personnes qui ont atteint le plafond, à 22 950 euros, elles toucheront 138 euros de moins. 

Est-ce que cela risque de détourner les Français de ce placement ? 

Non, car les autres placements n'ont pas les mêmes avantages que le livret A. Tout d'abord, il offre une grande sécurité pour l'épargnant, avec la garantie du capital par l'Etat, et aussi une grande liquidité, avec une entrée et une sortie d'argent très facile et sans frais. De plus, il n'y a ni prélèvements sociaux ni d'impôts. Quand vous regardez les autres placements, soit il faut accepter plus de risques, soit de payer des impôts. En revanche, peut-être que les Français verseront un peu moins d'argent sur leur livret A pendant quelques mois. En général, c'est ce qu'on constate quand il y a une diminution du taux. 

Le livret A reste-t-il financièrement un placement intéressant ?

Oui, c'est un placement d'épargne de précaution de court terme, en valeur refuge, que chacun doit avoir dans son portefeuille. En outre, il ne fait pas perdre d'argent si on prend en compte son rendement réel, c'est-à-dire en tenant compte de l'inflation [qui a fortement baissé ces derniers mois]. Prenons un exemple. Si vous avez une inflation de 3% et 100 euros d'épargne, l'inflation érode votre capital, qui ne vaudra plus que 97 euros au bout d'un an. Pour calculer le rendement réel, il faut calculer la différence entre le taux de rendement (qui est donc à présent de 2,4%), et le taux de l'inflation (qui devrait atteindre 1,4% en 2025). Au vu de ces chiffres, vous allez gagner 1% de rémunération nette d'inflation. En suivant cette logique, cela signifie que le rendement réel du livret A sera positif en 2025, ce qui n'a pas toujours été le cas. 

Quelles sont les alternatives au livret A pour les épargnants ?

Pour ceux qui y sont éligibles, avec un revenu fiscal inférieur à 21 000 euros par an, il existe le livret d'épargne populaire. Ce placement offre une rémunération plus importante que le livret A, à 3,5%, et a des caractéristiques similaires.

Il y a par ailleurs les fonds en euros de l'assurance-vie, avec l'avantage de présenter une garantie sur le capital et de ne pas avoir de plafond. Mais ce placement est imposable et il peut y avoir des frais, pour un rendement qui se situera dans les 2,6%, ce qui est donc semblable à celui du livret A.