«Musk est très bon ambassadeur des cryptos» : qui est David Balland, le cofondateur kidnappé de la pépite française des cryptomonnaies Ledger ?

Un entrepreneur choqué. David Balland, associé et cofondateur d’une société spécialisée dans la sécurisation des cryptoactifs, a été libéré mercredi soir après avoir été kidnappé et séquestré mardi dans le Cher contre une rançon. Les ravisseurs réclamaient «le paiement d’une importante rançon en cryptomonnaie» et ces faits leur font «encourir la réclusion criminelle à perpétuité», avance le parquet de Paris. Ce jeudi, le ministère public a précisé que la compagne de l’homme d’affaires avait aussi été libérée par le GIGN et que dix personnes ont été interpellées.

Des rumeurs évoquaient dans un premier temps la disparition d’Éric Larchevêque, très médiatique cofondateur de l’entreprise et notamment connu pour sa participation à l’émission de «Qui veut être mon associé» diffusée sur M6. Mais c’est bien un autre personnage influent dans la région de Vierzon (Cher), qui a été kidnappé à son domicile de Méreau, David Balland. 

Âgé de 36 ans, l’homme d’affaires originaire de Corrèze est titulaire d’un Master of Science de l’information de SupInfo Orléans. En 2011, il a cofondé la plateforme de streaming musical en haute définition RadioceRos avec deux associés discrets, Joël Pobeda et Vanessa Rabesandratana. Le premier figurait dans la liste des 500 plus grandes fortunes professionnelles françaises de Challenges en 2021 avec 300 millions d’euros, la deuxième a travaillé 15 ans en «production de musiques actuelles et symphoniques». «On était une plateforme de musique, un projet associatif», expliquait David Balland dans une vidéo publiée sur YouTube, le 1er avril 2022, dans l’émission Extra-Muros.

Les trois compères ont finalement décidé de se lancer vers une autre piste entrepreneuriale bien plus lucrative : les cryptomonnaies. Dans un entretien au quotidien local du Berry Républicain, en 2021, le trentenaire explique avoir voulu «créer une cryptomonnaie adaptée à (sa) plateforme». «On a rangé nos bacs à disques et on s’est dit que s’il y avait quelque chose à faire dans la cryptomonnaie, c’était maintenant», expliquait-il.

Leader mondial

Originaires de Vierzon, les trois spécialistes ont lancé ensemble Chronocoin.fr, où les investisseurs pouvaient effectuer des achats de bitcoins et de les recevoir sur une clef USB standard à domicile. Des hackathons (compétitions d’innovation) ont été lancés dans le Cher. «On s‘est dit que c’était énorme, raconte-t-il dans la vidéo. On voulait rendre le bitcoin facile d’accès.» L’idée révolutionnaire, au vu de l’opacité du monde de la cryptomonnaie, a rapidement séduit et Nicolas Bacca, un spécialiste de la carte à puce et fondateur de BTChip, a rejoint l’aventure en proposant de sécuriser les clefs USB.

Les deux entités ont fusionné avec la Maison du Bitcoin, un projet de marché de cryptomonnaie initié par deux autres investisseurs, Éric Larchevêque et Thomas France. La boutique, installée de 2014 à 2020 en plein cœur de Paris, faisait figure de lieu pionnier pour les cryptomonnaies sur le territoire français. 

Après cette fusion en 2014, Ledger voit le jour avec huit associés. Au fil du temps, l’entreprise française, devient leader mondial dans la conception de portefeuilles physiques robustes de cryptomonnaies, qui permettent à chacun de gérer en direct ses propres cryptoactifs. Valorisée à environ 1,3 milliard d’euros, la licorne a vendu plus de sept millions d’appareils dans plus de 180 pays et en 10 langues. Elle sécurise 20% des actifs numériques mondiaux, et compte plus de 100 clients institutionnels. Ses locaux sont situés 

Selon le Berry Républicain , la start-up a pourtant connu quelques déconvenues : deux fuites massives de données en juillet 2020, au cours desquelles 300.000 jeux de données complets et un million d’adresses e-mail ont été piratés. Puis la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a infligé une amende de 750.000 euros en octobre 2024 pour ne pas avoir suffisamment protégé les données de ses clients. 

Toujours aux côtés de Joël Pobeda et de Vanessa Rabesandratana, David Balland a également développé un centre artistique en 2019, «Le Centre», pour développer des expositions accessibles dans le métavers. Dans l’émission Extra-Muros, David Balland voyait en Elon Musk un «très bon ambassadeur des cryptos». «(Elon Musk) a changé d’avis à plusieurs reprises et il fait un peu n’importe quoi, mais il a pas mal boosté l’écosystème», estimait le cofondateur de Ledger. Ce dernier, dans la même vidéo, enjoignait les jeunes entrepreneurs «à ne pas investir des idées».

Vidéo d’un doigt mutilé de David Balland

Avec sa compagne, Amandine, développeuse web, David Balland a emménagé vers 2021 dans un lotissement à la sortie de Vierzon. À quelques hectomètres des locaux de Ledger, situés dans le parc technologique de Sologne. S’il semblait mener un train de vie modeste, David Balland possédait, comme ses associés, un portefeuille de cryptomonnaies à hauteur de plusieurs millions d’euros, lequel a été ciblé par les auteurs du rapt.

À la suite de l’agression, une information judiciaire doit être ouverte vendredi, notamment pour «enlèvement et séquestration en bande organisée», accompagnés d’«actes de torture ou de barbarie» ainsi qu’«extorsion avec arme» pour les dix personnes placées en garde à vue, a indiqué la procureur de Paris Laure Beccuau. La Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) est chargée des investigations.

Ces dix suspects, neuf hommes et une femme âgés de 20 à 40 ans, ont été notamment interpellés à Châteauroux (Indre) pour trois d’entre eux et à Étampes (Essonne) pour six. L’alerte avait été donnée par Eric Larchevêque, cofondateur de l’entreprise: il a reçu une vidéo d’un doigt mutilé de David Balland et une demande de rançon, selon une source proche du dossier.

C’est une «importante rançon en cryptomonnaie» exigée, a dit le parquet, sans en préciser jeudi le montant. «Une partie» de cette «rançon a été versée dans le cadre de la négociation» avec les forces de l’ordre, mais «la majorité des cryptomonnaies ont été saisies et gelées», a toutefois précisé la procureur de Paris. La gendarmerie nationale a été saisie dans son ensemble, de la section de recherches de Bourges à l’unité nationale cyber.