Notre critique de Piégé, l’enfer automobile pied au plancher

Non mais quelle idée de vouloir voler la voiture d’Anthony Hopkins ! Décidément, Eddie Barrish (Bill Skarsgard, de tous les plans) ne s’en sort plus. Escroc à la petite semaine en sweat à capuche rose pastel, père divorcé d’une gamine qu’il adore, il se retrouve dans une situation impossible. Sa voiture, dont il a tant besoin pour travailler, est au garage. Il n’a plus assez d’argent pour changer la pièce endommagée.

Sa fille l’a attendu en vain à la sortie de l’école. Il lui faut un véhicule pour sortir de l’ornière. Sur un parking pluvieux, il tente de forcer quelques voitures. En vain. Jusqu’à ce qu’un luxueux SUV noir lui fasse pratiquement de l’œil. La chance sourit à notre voleur, la porte n’est même pas fermée à clé. Skarsgard pénètre dans l’habitat tout sourire. Et le piège se referme.

Le véhicule ultra-connecté, blindé de l’intérieur, a même été totalement isolé du moindre Wi-Fi. Voilà le voleur piégé à son propre jeu. L’angoisse monte. Confiné entre les parois à l’épreuve des balles, la claustrophobie gagne rapidement le maraudeur. Le téléphone intérieur du véhicule sonne. « Je m’appelle William, dit Anthony Hopkins à l’autre bout du fil. Ceci est ma voiture. Vous êtes le septième à tenter de me voler mon véhicule. Je veux seulement vous offrir un petit avant-goût de l’enfer. »

Anthony Hopkins, un tortionnaire magistral

À partir de ce court postulat dans la lignée de thrillers claustrophobiques tels que Phone Game ou Buried, le réalisateur David Yarovesky (Brightburn, l’enfant du mal ou The Hive) tricote un huis clos automobile sous tension intense et immersif. Pas une seconde de répit pour le héros, qui se retrouve torturé par la voix suave et faussement amicale de William, le propriétaire de cette étrange voiture trafiquée jusqu’aux gentes, customisée façon char d’assaut inviolable. Bill Skarsgard n’y a plus qu’une seule arme, la discussion.

Le film fait de la voiture un personnage à part entière, comme le terrifiant camion mystère du Duel de Steven Spielberg (1971) ou l’infernale berline noire d’Enfer Mécanique (1977) d’Elliot Silverstein. Hopkins, quant à lui, savoure chaque réplique de ce suspense oppressant d’une voix qui retrouve les accents inquiétant d’Hannibal Lecter. L’affrontement intergénérationnel n’en sera que plus sanglant. La veine minimaliste sied particulièrement à ce thriller psychologique un brin horrifique, mais surtout porté par l’ironie perfide d’un Hopkins magistral en tortionnaire psychopathe doucereux.

On appréciera particulièrement les quelques séquences hilarantes où William passe du yodel à son infortuné voleur, qui au bout d’un laps de temps qui paraît infini, pense vraiment devenir fou. Le format CinémaScope est adroitement exploité par le cinéaste qui capture l’effet d’enfermement d’un habitacle d’automobile. La démonstration est d’autant plus réussie que les moyens cinématographiques réduits de ce road movie mettent en valeur une efficacité scénaristique maximale. Bref, en 1 h 35, Piégé tient diablement la route, sans que le spectateur n’ait la moindre envie de quitter son fauteuil… contrairement à Bill Skarsgard.


La note du Figaro : 3/4