Notre critique de Mikado, la cavale maladroite d’une famille rebelle

Une famille circule dans un vieux van aménagé et bringuebalant sur les routes provençales. L’été est là, les enfants sourient, la lumière est douce. Pourtant, le père reste sur ses gardes. Mikado (Félix Moati) et Laetitia (Vimala Pons) forment un couple fantaisiste, aux aguets comme l’oiseau sur la branche. Ils élèvent leurs deux enfants dans un esprit bohème apparemment empreint de liberté. Mais Zéphyr (Louis Obry) et Nuage (Patience Munchenbach) sont priés de se cacher sous les sièges dès que se présente un barrage de police.

C’est que le garçonnet timide et la préadolescente timorée ne sont pas déclarés à l’état civil, ni inscrits à l’école. Sur son chemin, la famille croise Vincent (Ramzy Bedia), qui les héberge quelques semaines dans sa grande bastide isolée. Le road trip s’arrête en pleine course. Les plans volés, caméra à l’épaule, de Baya Kasmi se posent dès que nos héros arrivent dans la maison de ce professeur de français veuf, qui vit seul avec sa fille Théa (Saül Benchetrit).

Sédentarisé de force dans le jardin de la propriété, Mikado, qui ne conçoit la vie que dans le mouvement, commence à se sentir de plus en plus mal. Il faut dire que cet écorché vif trimballe un lot de traumatismes à faire pâlir n’importe quel psychiatre. Derrière son air souriant de papa gâteau, le personnage incarné par Félix Moati bouillonne, comme en révolte permanente contre l’injustice du monde.

Rendu méfiant par ses incessants placements en foyer, le héros s’est bricolé une famille et se comporte comme un lion agité, prêt à sortir les griffes à la moindre entourloupe. Vociférant, Mikado impose ainsi sa domination protectrice sur sa compagne et ses enfants. D’autant que les gendarmes ont fini par lui remettre une convocation au tribunal pour une vieille affaire de harcèlement envers l’une de ses familles adoptives particulièrement peu accueillante…

Paranoïa permanente

Pour son troisième film (après Je suis à vous tout de suite et Youssef Salem a du succès), la scénariste et réalisatrice Baya Kasmi a tenté d’instiller de la chronique sociale dans une comédie estivale. Plus grave, moins drôle, assez incommodant, Mikado suscite un malaise diffus. On pense à de nombreuses reprises au Captain Fantastic de Matt Ross (2016), où Viggo Mortensen incarnait un patriarche prônant une éducation alternative et anticonformiste en forêt. Ici, le militantisme toxique de Mortensen est remplacé par la paranoïa permanente d’un adulte blessé qui ne voit son salut que dans la fuite. Mikado vit dans la terreur que ses enfants ne soient à leur tour placés en foyer. Il reproduit inconsciemment le schéma auquel il a lui-même été confronté.

Entre les séquelles d’un père traumatisé dans sa jeunesse et les problèmes rencontrés par des enfants élevés en dehors de tout cadre traditionnel, le film se frotte à deux thématiques lourdes, tout en essayant d’en rire. Peine perdue. On ressort de Mikado perplexe, agacé d’avoir enduré les errances d’un long-métrage qui ne sait jamais sur quel pied danser.


La note du Figaro : 1/4