«Nous nous sommes réveillés face à un bidonville, du jour au lendemain»: près de Nantes, une ville face à l’irruption des caravanes

Les caravanes sont arrivées en juin. Huit mois plus tard, la métropole de Nantes a dû ajouter un nouveau bidonville à sa liste déjà bien fournie de taudis à résorber. À l’extrémité de la banlieue ouest de Nantes, sur la paisible commune de La Montagne, 36 caravanes ont débarqué l’été dernier, forçant un portail et prenant possession d’un espace fermé situé le long d’un terrain de football. Propriété d’une association locale, le site abrite depuis, dans des conditions sanitaires précaires, une quinzaine de familles roms, soit 64 personnes. Le dossier vient tout juste d’être transmis aux pouvoirs publics en ce début de mois de février, malgré les nuisances importantes causées par les nouveaux arrivants.

«Ils sont arrivés, se sont installés et on n’a rien pu dire», témoigne pour Le Figaro une riveraine installée à proximité immédiate du terrain occupé. Aux premières loges, elle décrit un site envahi de caravanes «miteuses», où filent des branchements sauvages sur les réseaux électriques et où un plan d’eau a été transformé en dépotoir. Le même camp est marqué par des norias de véhicules défraîchis et de grosses berlines, des activités métallurgiques bruyantes qui propagent des odeurs de brûlé, des moutons et des chèvres qui gambadent sur le terrain de foot et par plusieurs rassemblements massifs - dont des messes en plein air - qui ont engorgé les stationnements de la rue voisine, artère principale de La Montagne. Au milieu de tout cela, quelques agressions verbales auraient également eu lieu, notamment avec les boulistes du terrain voisin - dont un bâtiment a également été annexé par les Roms.

Des voisins retraités souhaitaient vendre leur maison. Ils avaient trois acheteurs intéressés. Depuis l’arrivée des caravanes, ils ont tous fait marche arrière

Une riveraine de La Montagne

«Nous nous sommes réveillés face à un bidonville, du jour au lendemain», résume la riveraine, encore sous le choc, qui dénonce l’incurie des autorités et la dégradation de la qualité de vie dans ce quartier sans histoire. «Cela n’est pas entendable, nous payons nos impôts. Des voisins retraités souhaitaient vendre leur maison. Ils avaient trois acheteurs intéressés. Depuis l’arrivée des caravanes, ils ont tous fait marche arrière. On peut le comprendre, nos biens se dévalorisent à vue d’œil», rapporte-t-elle, en laissant entendre qu’elle et son époux ne se seraient pas installés en face d’un terrain occupé par une soixantaine de personnes «qui vivent dans la boue».

«Peurs sociales injustifiées»

La commune de La Montagne, 6500 habitants n’avait jusqu’à présent jamais eu affaire avec l’installation à la hussarde d’un convoi entier de caravanes roms. Selon la mairie, les services de l’État sollicités par l’association concernée - l’Amicale laïque de La Montagne (ALM) -, n’ont pu intervenir en juin dernier pour expulser ces caravanes, débarquées sur la commune après avoir été chassées d’un autre bidonville, au nord de Nantes. Plutôt épargnée par l’insécurité de l’agglomération nantaise, la petite ville s’est ainsi retrouvée seule pour gérer les problèmes liés à l’apparition de ce camp illicite.

Le bidonville de La Montagne génère plusieurs nuisances dans le voisinage, depuis son installation en juin 2024. Un incendie qui s’est déclaré en bordure du camp a nécessité l’intervention des pompiers. Collection personnelle

Jointe par Le Figaro, l’Amicale laïque de La Montagne n’a pas souhaité s’exprimer sur l’occupation de son terrain. «Outre des peurs sociales injustifiées, il n’y a vraiment aucun problème à notifier», communique sobrement l’association. La mairie n’a pas non plus répondu aux sollicitations du Figaro. La municipalité a néanmoins repris en main le dossier au début du mois, en signant une convention avec l’association en vue d’aménager le terrain - avec des sanitaires - plutôt que d’expulser ses occupants. «L’Amicale laïque, Nantes Métropole et la ville de La Montagne ont fait le choix de s’associer et de se rapprocher des autres partenaires publics pour élaborer et décliner localement une stratégie de résorption du site», a déclaré l’adjoint aux solidarités Julien Betus au conseil municipal du 6 février, en précisant que l’expulsion pure et simple des occupants serait «plus longue» et pas à même de «traiter l’origine des difficultés rencontrées» par les squatteurs.

Il faudra désormais s’assurer que les infrastructures à venir n’incitent pas d’autres populations à venir s’installer en toute illégalité

Yves Armand, élu d’opposition à La Montagne

La mairie et la métropole se préparent donc à ordonner des travaux, avec un raccordement électrique généralisé, l’installation de sanitaires et de douches, une mise en place de la récupération des déchets. Selon la convention signée par la commune, les pouvoirs publics s’engagent également à mener des actions pour traiter les nuisances de voisinage et préserver «le respect de la laïcité ». «Les pouvoirs publics sont en train de mettre en place des dispositifs pour que les personnes concernées accèdent à des conditions de vie décentes et sécurisées, ce qui ne pourra qu’apaiser les inquiétées du voisinage», a commenté l’Amicale laïque.

«Transformer ce véritable squat à ciel ouvert, ce trou de misère en camping rudimentaire est une drôle de solution. Il faudra désormais s’assurer que les infrastructures à venir n’incitent pas d’autres populations à venir s’installer en toute illégalité, par exemple en installant des blocs de béton», indique Yves Armand, élu du groupe d’opposition Environnement et Solidarités à La Montagne. Le coût des aménagements prévus pour la convention signée avec l’association sera pris en charge par le fonds de la métropole consacré à la lutte contre le sans-abrisme. L’élu s’inquiète du montant final de cet accueil gracieux. «Les travaux et les services mis à disposition vont être financés par nos impôts, pour un montant qui risque de ne pas être négligeable», observe Yves Armand, en précisant qu’un chargé de mission va également être recruté par la collectivité pour piloter le dossier. À ce jour, l’agglomération nantaise recense plus de 60 bidonvilles, dont le plus gros de France. Les plus anciens de ces camps périclitent depuis près d’une quinzaine d’années.