Emmanuel Macron au Maroc : pourquoi autant de personnalités accompagnent le président lors de sa visite d’État ?

Après trois années de brouilles entre la France et le Maroc, Emmanuel Macron se trouve actuellement dans ce pays du Maghreb afin de retisser des liens avec le roi Mohammed VI. Lors de sa dernière visite marocaine en 2018, le chef d’État français n’avait passé que quelques heures sur place pour l’inauguration du TGV Tanger-Rabat. Cette fois, le président veut marquer le coup en venant accompagné d'une délégation forte de 122 invités.

«Il est habituel qu’un chef d’État se déplace en compagnie de personnalités issues de sphères différentes lors de ses voyages officiels. Le prince aime se promener avec sa cour», commente Arnaud Benedetti, politologue et rédacteur en chef de Revue politique et parlementaire. Si le nombre d’invités semble conséquent, Macron n’est pas le premier président à constituer une longue liste de convives, «François Mitterrand avait coutume de voyager avec de grosses délégations», rappelle-t-il.

Signer des contrats

Parmi les invités de Macron au Maroc, on retrouve de nombreux ministres comme Bruno Retailleau à l’Intérieur, Jean-Noël Barrot aux Affaires Étrangères, Sébastien Lecornu aux Armées, Antoine Armand à l’Économie ou encore Rachida Dati à la Culture. À leurs côtés, se tiennent des députés et d’anciens ministres. Plusieurs acteurs institutionnels viennent compléter la liste avec notamment la directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, ou le président du MEDEF, Patrick Martin.

Des représentants du monde économique et industriel sont également du voyage, tel que Frédéric Arnault, fils de Bernard Arnault et PDG de la division horlogerie de LVMH, Hervé Derrey, PDG de Thalès, Catherine MacGregor, DG d’Engie ou encore Henri Poupart-Lafarge, PDG d’Alstom. «Leur présence permet de favoriser la signature de contrats», explique Arnaud Benedetti. La France et le Maroc ont en effet conclu des contrats et accords d’investissements dont le montant global atteindra «jusqu'à dix milliards d'euros», a annoncé la présidence française. Alstom a par exemple conclu un accord qui lui permettrait de participer à la réalisation du deuxième tronçon de la ligne TGV Tanger-Marrakech. Le Français TotalEnergies a quant à lui signé un des plus gros accords pour le développement de la filière d'hydrogène vert au Maroc.

Faire rayonner la France

Le président est par ailleurs accompagné d’une cinquantaine de personnalités issues du milieu intellectuel, culturel, sportif, universitaire, scientifique et associatif. «Elles sont souvent choisies pour leur histoire personnelle en lien avec le pays, mais pas seulement. Elles sont là pour faire rayonner la France et participer à un soft power», analyse Arnaud Benedetti.

On retrouve ainsi les acteurs franco-marocains Gérard Darmon et Jamel Debbouze, le président de l’Institut du monde arabe, Jack Lang, le rappeur franco-marocain L’Artiste, le journaliste Pierre Assouline né à Casablanca, l’auteur franco-marocaine Leïla Slimani, mais aussi le réalisateur Éric Toledano dont le père a commencé sa carrière dans la haute administration marocaine. La chanteuse Arielle Dombasle et son époux et écrivain Bernard-Henri Lévy ont également été invités. Amoureux du Maroc, le couple s’est offert il y a plusieurs années le «Palais des plaisirs», un luxueux riad à Marrakech situé à quelques mètres du palais du roi Mohammed VI.

Une stratégie à double tranchant

Cependant, cette stratégie est «à double tranchant», souligne Arnaud Benedetti. Inviter un tel nombre de convives, dont la venue est à la charge des finances publiques, peut être «mal perçu» par les Français. «Les citoyens peuvent se demander si leur présence est nécessaire alors que le pays connaît une crise financière et que les économies sont à l'ordre du jour», poursuit le politologue. Cette décision «intervient dans un contexte d'affaiblissement de la figure présidentielle. Ce voyage est une opportunité pour Macron d’exister à l’international. Toutefois, cette tactique peut susciter des polémiques et controverses», avance Arnaud Benedetti. 

Le choix des invités peut même se retourner contre le chef d’État. La récente polémique autour de la présence de l’humoriste franco-marocain Yassine Belattar en est la preuve. La venue de ce fidèle soutien de Macron depuis 2017 questionne car il est accusé de complaisance vis-à-vis de l’islamisme et a déjà été condamné à de la prison avec sursis en 2023 pour menaces de mort et crimes visant plusieurs personnalités du monde du spectacle. 

«Sa présence n’avait pas été annoncée dans la première liste officielle des invités, ce qui prouve que Macron était conscient des conséquences de sa venue», décrypte Arnaud Benedetti. Pour le politologue, ce choix est une erreur dans la stratégie de communication du président : «Son image était déjà écornée, cette polémique n’est pas valorisante pour lui et envoie un mauvais signal à l’opinion publique.»