Guerre Israël-Iran : en bloquant le détroit d'Ormuz, Téhéran "signerait son arrêt de mort"

La guerre qui sévit entre l'Iran et Israël peut-elle déstabiliser l'économie mondiale ? Environ un cinquième du pétrole brut de la planète passe par le détroit d'Ormuz, qui affleure les côtes iraniennes.

Long de 212 km, ce bras de mer ne fait qu’une quarantaine de kilomètres de large en son point le plus étroit. 

La faible profondeur des eaux contraint en outre les plus gros navires à emprunter des voies de circulation d'à peine quelques kilomètres de large, que l’Iran peut aisément contrôler, ou perturber. 

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Petit détroit, énormes enjeux

Détroit étroit donc, mais par lequel transitent non moins de 600 milliards de dollars d'échanges énergétiques par an.

Sa fermeture “serait évidemment un problème économique incroyable, compte tenu de l'effet qu'elle aurait sur le prix du pétrole", assure à la BBC l'ancien chef de l'agence de renseignement britannique MI6, Sir Alex Younger.

L'action militaire dans ce détroit est considérée comme la méthode la plus probable pour perturber le trafic maritime, rappelle la BBC : c'est ce qui s'est produit pendant la guerre Iran-Irak, de 1980 à 1988, où les deux belligérants ont recouru à des missiles et mines navales dans le Golfe Arabo-Persique, perturbant considérablement le trafic maritime, sans parvenir à fermer complètement le détroit. Et dans le contexte actuel, cette menace a été brandie par plusieurs officiels iraniens. "L'Iran dispose de nombreuses options pour répondre à ses ennemis", et la fermeture du détroit d'Ormuz est l'une d'elles, a récemment déclaré Behnam Saeedi, membre de la commission de sécurité nationale du Parlement iranien. Ses propos ont été rapportés par Reuters.

Ali Yazdikhah, un parlementaire iranien, a quant à lui assuré que l'Iran continuerait à autoriser la libre circulation dans le détroit tant que les intérêts nationaux vitaux ne seraient pas menacés.

En revanche, poursuit-il, perturber le commerce pétrolier des Occidentaux dans ce passage maritime relèverait du "droit légitime" de l'Iran, si "les États-Unis entrent officiellement et opérationnellement en guerre" pour soutenir Israël.

L'Iran dispose concrètement de plusieurs moyens militaires à même de perturber le transit. Parmi eux, le ciblage direct de navires, ou la pose de mines navales dans les couloirs de navigation, explique Adel Bakawan, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales et auteur de “La décomposition du Moyen-Orient. Trois ruptures qui ont fait basculer l'histoire” (Tallandier).

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Un détroit vital… pour l'Iran et ses alliés

Un paramètre fondamental limite toutefois la pression que Téhéran peut exercer sur ce passage maritime : l’Iran est lui-même hyper-dépendant du détroit d'Ormuz. C'est l'artère qui connecte l'économie iranienne à celle du monde.

"Entre 80 et 90 % du pétrole iranien est acheté par la Chine, et il transite essentiellement via le détroit d'Ormuz", note Adel Bakawan. 

En contrariant son premier client, Téhéran se priverait donc d'un partenaire économique vital à l’aune des sanctions internationales imposées par Washington

Perturber le transit du détroit d'Ormuz constituerait une déconvenue pour l'autre "gestionnaire" du détroit : le sultanat d'Oman. "De longue date, celui-ci entretient d'excellentes relations avec son voisin iranien", rappelle Adel Bakawan.

En choisissant la voie militaire dans ce bras de mer, l'Iran amènerait la guerre sur les rives omanaises, menaçant directement la stabilité et la sécurité du paisible sultanat.

Paroles iraniennes, puissance américaine 

Dans un tel contexte, que lire dans les déclarations que laissent planer des officiels iraniens autour du détroit d'Ormuz ? Proférées mais jamais appliquées, elles constituent une forme de "dissuasion" comparable à celle d'une arme nucléaire, estiment des experts mentionnés par BBC Afrique.

Cet effort dissuasif est toutefois limité par la puissance américaine, analyse Adel Bakawan. 

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Par-delà les discours, “les Iraniens font tout pour éviter l'entrée des Américains en guerre", souligne le chercheur de l'IFRI.

Une option que Donald Trump n’a jamais écartée. Jeudi 19 juin, la Maison-Blanche a déclaré qu'il prendrait une décision d'intervenir ou non dans la campagne militaire israélienne contre l'Iran "au cours des deux prochaines semaines".

"Les menaces iraniennes sur le détroit d'Ormuz sont vraiment la marque d’un régime à bout de souffle, qui estime qu'il n'a plus rien à perdre", analyse l'expert. 

En fermant le détroit d'Ormuz, Téhéran pousserait Washington à abandonner toute voie diplomatique, “tranchant en faveur d'une intervention militaire” conclut Adel Bakawan : le régime des mollahs "signerait ainsi son arrêt de mort".