C’est le problème numéro un des clients qui ouvrent leur commande de fast-food chez eux après l’avoir récupérée au drive ou s’être fait livrer : une sauce manquante pour les nuggets, un burger oublié, une portion de frites pas à la bonne taille… Malgré les points de contrôle prévus dans les procédures des chaînes de restauration rapide, il n’est pas rare que les équipiers, pris dans l’urgence d’un gros service, oublient des produits. Si ces petites erreurs sont facilement rattrapables pour le client qui consomme sur place et peut réclamer son dû au comptoir, elles nuisent grandement à la satisfaction de ceux qui, en livraison ou au drive, les découvrent alors qu’ils sont trop loin du restaurant pour corriger le tir.
Mais depuis mars 2024, le leader du secteur McDonald’s teste discrètement, dans une cinquantaine de restaurants français, un outil censé corriger ces erreurs humaines difficilement évitables et «sujet majeur d’insatisfaction des clients», assure Mounir Mourad, directeur des opérations et du déploiement de l’enseigne. La «balance drive», aussi appelée «double check» en interne, aura désormais pour mission de vérifier, en pesant le sac, que tous les produits commandés au drive ou en livraison sont bien présents. Simple en apparence, la balance repose sur un logiciel complexe dopé à l’intelligence artificielle (IA), «capable de repérer un nugget manquant, une barquette de frites pas assez remplie ou un burger double steak qui n’en aurait qu’un seul» et de s’améliorer «en apprenant des usages en restaurant», décrit Mounir Mourad.
Passer la publicitéMarge d’erreur
Dans la cuisine d’un restaurant test du Val-d’Oise, au poste d’assemblage de commandes drive, on pourrait presque ne pas la voir. La balance est discrètement intégrée au plan de travail en inox, surmontée d’un petit écran tactile. «Il ne fallait pas que ça crée des gestes supplémentaires pour les équipiers, donc on l’a logiquement placée au bout du chemin, sur la table d’assemblage, juste avant de remettre la commande au client par la fenêtre», explique Mounir Mourad.
Quand un client en voiture passe sa commande au drive, chaque poste en cuisine s’active : préparation des burgers, des frites, des boissons et glaces… Nicolas, l’équipier posté en bout de chaîne, est chargé d’assembler le tout. Il pose le sac sur la balance et sélectionne sur l’écran la commande à vérifier : si tout est bon, l’écran devient vert et le client peut repartir avec. Dans le cas contraire, l’écran devient rouge, affiche la liste des produits censés être présents, et l’équipier inspecte le sac pour repérer l’erreur. Nicolas assure que, depuis la mise en place de la balance, il constate «beaucoup moins de clients qui reviennent signaler un oubli et donc moins de temps perdu».
La balance est paramétrée avec le poids théorique de chaque produit de l’enseigne, «avec une marge d’erreur d’environ 5%», explique Mounir Mourad. Grâce à l’IA, elle apprend et s’adapte aux pratiques du terrain, les équipiers devant signaler via l’écran les fois où elle a repéré par erreur un produit manquant, ou à l’inverse failli en manquer un. «Après installation dans un nouveau restaurant, en trois semaines elle s’est adaptée aux équipes locales, assure le directeur des opérations. Et quand on lance un nouveau produit avec un poids théorique, elle s’adapte aux usages en une semaine.»
Une innovation française
L’outil atteint 98% de fiabilité, assure McDonald’s, mais il reste encore une marge d’amélioration. Lors de la démonstration à laquelle Le Figaro a assisté, la balance a sans problème détecté un Big Mac manquant dans une commande, mais a en revanche loupé un Croque McDo oublié dans une autre. Un produit léger «probablement tombé dans la marge d’erreur sur cette grosse commande», selon Mounir Mourad. «On n’atteindra jamais 100% de fiabilité, mais on va tout de même largement améliorer la satisfaction globale.»
Impossible par ailleurs pour la balance de désigner précisément le produit manquant, encore moins de détecter une inversion de produits si les deux font le même poids (par exemple un Fanta au lieu d’un Coca-Cola). Les équipes ont réfléchi à d’autres variantes du dispositif, comme intégrer une caméra avec IA qui pourrait détecter chaque produit mis dans une commande, mais ont écarté ces idées jugées pour le moment trop complexes à mettre en œuvre. «Ça demanderait plus de tâches aux équipiers, en leur faisant ouvrir des sacs pour le contrôle, alors qu’on cherche surtout à simplifier», explique Mounir Mourad.
Passer la publicitéCocorico, l’innovation de la «balance drive» est française. Elle a été développée par «un entrepreneur qui connaît bien McDonald’s» et l’a proposée aux équipes de la filiale tricolore, raconte le directeur des opérations. Il a fallu plusieurs mois de travail pour trouver comment l’intégrer en restaurant, l’adapter aux logiciels internes, aux produits et aux procédures de l’enseigne. Après un an et demi de test dans 50 restaurants sur les 1600 que compte la chaîne dans l’Hexagone, la balance va être déployée à grande échelle en 2026, avec pour objectif d‘«équiper tous les McDo ayant un drive et ceux de centre-ville qui sont les plus gros pourvoyeurs de commandes en livraison». Le dispositif intéresse aussi beaucoup la maison mère américaine et pourrait être rapidement exporté dans les filiales étrangères, toujours fabriqué par l’entrepreneur français.